Les Etats-Unis sont forts d’un style de métal des plus underground qui soient, issu du doom, du hardcore et du progressif: le sludge. Depuis le début du Nouveau Millénaire, quelques groupes comme Black Label Society, Neurosis, Mastodon ou Kylesa ont été incroyablement représentatifs de cette scène, chacun apportant sa graine afin de mener le sludge au rang de « métal complet », car en effet tout y est: son énorme, hurlements, chant clair digne de ce nom, morceaux violents agrémentés de passages atmosphériques, bien que les solis de fassent rares (except Sir Zakk Wylde).
Pour Intronaut, soyons bref mais tâchons d’être précis: ces jeunes Californiens ont fortement été éduqués par Neurosis pour les nombreux passages expérimentaux et ce chant profond, un peu lointain. C’est en signant chez le gros poids lourd Century Media que le groupe va en 2008 se frayer un petit chemin de notoriété avec la sortie du percutant Prehistoricims, un poil plus long que Valley of Smoke mais non dénué d’un exercice de style flamboyant. Habitué à ne pondre que huit titres sur ses rejetons, Intronaut s’est lui-même donné la permission d’en profiter pour déballer toute son inspiration.
Valley of Smoke: ne vous détrompez pas, car comme le montre le superbe livret entièrement dessiné, il s’agit bien d’un rapport avec ce dont vous pensez, qui a surement insufflé une touche psychédélique à la musique du quatuor. C’est dans la brutalité que débute ce nouvel album, avec trois titres remarquables, « Elegy », « Above » et « Miasma » qui a eux seuls suffisent à régaler l’auditeur avide de perfectionnisme, car avec un tel jeu (et mix) de batterie, une basse aussi grasse et groovy qu’elle soit et un chant jamais trop en avant (qui rappelle le rocailleux de Jaz Coleman de Killing Joke par moment) mais que l’on pourrait presque considérer comme un instrument d’ambiance, il est clair que le groupe à fait fort.
Après avoir dégusté ce trio magique, le reste du repas laissera en revanche un léger goût amer au fond de la gorge. Alors non pas que l’on dénote une baisse de régime dans l’instrumentation, mais le groupe a peut-être manqué d’une certaine inspiration dans les passages atmosphériques. Outre « Sunderance » proche de Mastodon mais tout de même efficace, les froncements de sourcils commencent vraiment à l’écoute de « Core Revelations », qui en dépit de quelques notes accrocheuses, fait perdre le groupe en crédibilité, parce qu’on est pas très loin des derniers Neurosis; un petit dérapage confirmé par « Below » où seul le batteur Danny Walker empêchera l’auditeur de grogner en écoutant ce morceau certes mélodique mais trop brouillon pour être relaxant. L’instrumental éponyme est par contre enchanteur de ses huit minutes trente, expérimental à tous les niveaux, particulièrement dans les percussions -apparition de tam-tam, exploration du kit de batterie- qui ajoute un côté déjanté à une ambiance sombre assez marquée. Mais ce n’est hélas pas sur un très bon point que se termine Valley of Smoke, car il est évident qu’après ses sept morceaux hétérogènes, on aurait pu se passer de « Past Tense » qui n’apporte rien de plus à l’auditeur à l’estomac déjà bien empli de toutes ces sonorités.
Pour résumer, Valley of Smoke enferme des titres d’une qualité irréprochable, seulement le groupe aurait pu reprendre les choses là où son successeur a marqué des points, c’est-à-dire un peu plus de folie dans les riffs et dans le chant, souvent trop en contraste avec un batteur complètement dingue et un Joe Lester qui impose une lourdeur certaine de sa basse saturée. Et si seulement Neurosis n’avait jamais vu le jour… on aurait pu lui épargner cette vilaine étiquette de plagiat, mais le groupe doit à présent assumer ses actes. Un bon moment tout de même.
Laurent.