Après onze ans et trois albums remarqués, les finlandais de Sargeist, fidèles à leurs origines, continuent d’officier dans le true black. Les déceptions procurées par d’autres groupes plus célèbres (qui a dit Darkthrone?) en 2010 laissait planer un léger doute sur le contenu du nouveau venu, mais l’impatience était évidemment de mise.
Et c’est un doute qui s’efface au bout de la première écoute: le trio est toujours aussi inspiré, peut-être plus qu’auparavant, prouvant qu’il sait évoluer avec son temps sans jamais tomber dans le tronc commun du black (riffs inaudibles, chant qui l’est tout autant). Au grand dam de notre soif de guitares, il nous a même préparé une recette mélodique et et prouve même qu’il sait où il met les pieds avec des textes aussi torturés les uns que les autres. Il n’y a d’ailleurs pas d’introduction sur Let The Devil In, comme si le groupe n’avait pas souhaité ménager notre impatience encore plus longtemps.
Les morceaux sont un peu moins longs qu’à l’accoutumée, histoire de laisser place au plus intéressant afin d’éviter toute lassitude, la démarche est plus qu’honorable. Il y a ici tout ce qu’un fan de black est en droit d’attendre: des titres rentre-dedans (« A Spell to Awaken the Temple » qui réveillera très certainement ce fameux temple de sa brutalité mordante; « Burning Voice of Adoration ») et d’autres titres avec des parties instrumentales intenses (« Noctural Revelation », de son riff lourd et sombre, est un des plus marquants de l’album; « Twilight Breath of Satan » dont le final d’une beauté déconcertante). Cerise sur le gâteau, la production a été soignée de sorte que la batterie et que le sound-return de la guitare, qui apporte la touche mélodique, se fondent comme papa dans maman.
Hoath Torog, avec une reverb poussée au maximum, s’en donne à coeur-joie pour jouer l’apôtre du Diable; son chant n’est jamais trop aïgu, l’auditeur peut donc porter également de l’attention à ses mises en scène.
On sent vraiment un groupe qui aime ce qu’il fait, donnant toute son énergie créative pour faire partager ses idéaux. Même si la technicité n’est pas le maître mot de ces gaillards, l’ensemble est très malin et plein de relief.
De « Empire is Suffering » à « As Darkness Tears the World Apart », l’écoute est lisse, pas un froncement de sourcils, chaque morceau possède son truc qui va nous pousser à savourer le tout jusqu’à se permettre deux ou trois écoutes de plus, voire davantage. Et il est conseillé de jeter un oeil au superbe visuel de la jaquette pour accompagner le voyage.
Il est fort probable que les fans n’ayant pas digérés le style éthéré de Disciple of the HeinousPath puissent prendre leur pied avec Let the Devil In.
Sargeist est un des rares groupes du genre qui tienne encore la route, et cet album mériterait de devenir une référence. Un travail de pro.
Laurent.