L’album de la séparation. En plein milieu de tensions de plus en plus insupportables qui mènent les membres de Faith No More aux bords de l’entre-tuerie, les californiens décident de donner tout ce qu’ils ont dans le ventre pour un ultime opus avant de tirer leur révérence. L’arrivée de Jon Hudson à la guitare n’atténue guère l’hyperactivité d’un Patton qui souhaite que son groupe se lâche un peu plus, mais les cinq finiront au fil des répétitions par se mettre d’accord sur ce point.
Quand on a les capacités créatives de Faith No More, on peut se permettre d’appeler son bébé Album of the Year. L’année 1997 fût marquée par l’émergence des premiers clones de Korn et l’apparition du métal symphonique de Nightwish, il fallait donc proposer « plus » qu’un simple mélange de métal, de claviers et de chant rappé. Reprenant les choses là où King For a Day, Loof for a Life Time les avaient bizarrement exploitées, à savoir un mélange subtil de rock, de punk et de jazz, ce dernier album est d’une maturité des plus exemplaires.
Moins rentre-dedans qu’à l’accoutumée, les morceaux déjantés répondent cependant toujours présents et se fondent dans des structures complexes mais toujours accessibles. Point fort, la diversité va de paire avec l’inspiration qui émane de AOTY, de plus que la voix de Patton n’aura jamais autant fait passer d’émotions. Comment résister à la bombe « Collision » ou aux envolées mélodiques de « Ashes to Ashes », les seuls morceaux à connotation métal de l’album, comment ne pas sourire avec les tordues « Naked in Front of the Computer », « Mouth to Mouth » et « Got That Feeling », et comment ne pas planer sur « Stripsearch », la semi-acoustique « Helpless », « Paths of Glory » ou encore mieux sur « Pristina » qui clôt magistralement le tout. On a même le droit à un titre purement jazz, « She Loves Me Not », moins fun qu’un « Evidence » mais tout aussi représentatif du talent sans frontières des ricains.
Il n’y a objectivement aucun faux-pas sur Album of the Year, les titres ont été fait sur-mesure pour empêcher la même déroute qu’avec son prédécesseur beaucoup trop hétérogène. En revanche, les fans de la première heure qui s’attendaient à un côté métal barré plus prononcé se verront quelque peu déçus, car il est clair que cet album-testament vise un public bien plus large et au-deçà du cantonnement hard-rock. Patton ne fait plus dans le chant torturé et délaisse les fausses notes dont il était friand par le passé pour laisser place à un registre purement professionnel. Certains verront la manoeuvre comme un acte commercial, tandis que les autres s’accrocheront à dire que Faith No More est le groupe le plus imprévisible du monde.
La rumeur court donc en 1998 que Faith No More est en instance d’implosion, et ce fût Billy Gould qui se chargea d’apporter la triste confirmation de séparation. En à peine dix ans de carrière, le groupe aura fait bouger les choses à chacune de ses sorties, même avec les hauts et les bas qui leurs sont destinés. Un exemple en matière d’ingéniosité, d’humour et de déni de ses pairs. Faith no More nous laisse tout de même une trace avec un album grandiose. Merci.
Laurent.