Genre: Post-black/shoegaze ® 2011
Il perdure depuis des lustres un point important qu’on réussira peut-être un jour à crier sur tous les toits: le black est bien le seul genre de métal qui s’accorde avec n’importe quelle autre musique, ou du moins avec le plus de styles connus, même si personne n’a encore essayé d’y combiner le zouk, le r’n’b ou le hip-hop. Souvent considéré comme inaccessible et inutile en partie à cause de l’image donnée par les figures internationales que sont Mayhem, Marduk ou Cradle of Filth, le black est pourtant un gouffre à perles, car au-delà d’une incitation à la Haine pointée du doigt par les culs-bénis, il est une ambiance et même, sans trop exagérer, est à lui tout seul une façon d’appréhender le monde qui nous entoure.
Le plus extraordinaire dans la vie, ce sont ces courts moments où intervient un événement inattendu, comme par exemple la remise en main propre par un ami vendeur d’un album importé d’Allemagne, un truc qui sur le coup ne vous fait dire qu’un «pourquoi pas?» sachant que le vendeur en question connaît parfaitement vos goûts et vos couleurs. Un petit coup d’oeil sur cette pochette qui nous attire bien qu’elle soit simpliste, un peu comme si Tim Burton était à l’origine de ce projet, et c’est parti pour l’aventure.
Heretoir est donc un duo teuton crée en 2006 par Eklatanz, multi-instrumentiste et chanteur, qui sera rejoint deux ans plus tard par Nathanael, bassiste et second vocaliste. Initialement estampillée black doom, la musique du groupe est en vérité bien plus intéressante qu’elle en a l’air, car ce premier album est un medley impressionnant de post-rock, de shoegaze et de black. Ca fait beaucoup, n’est-ce pas, mais ça fait surtout beaucoup plaisir à entendre. Le chant est parsemé, et s’il aborde des thèmes souvent exprimés tels l’Humanité, la tristesse, la dépression, c’est surtout ses tonalités qui se fondent dans les murs de guitare qui font mouche. Produit par Eklantanz, le son n’est jamais agressif, la basse porte bien les harmoniques et la sensation de profondeur est extrêmement bien exploitée.
A la croisée des provençaux d’Alcest époque Tristesse Hivernale, d’Agalloch et de God is An Astronaut, Heretoir n’est jamais ennuyeux de ses neuf titres avoisinant les sept minutes sans compter les interludes pour un durée totale de cinquante minutes, ce qui est raisonnable pour le genre. Parfois sur un rythme violent («Weltschmerz», quelques passages de «Fatigue»), l’atmosphère générale est surtout basée sur un mid-tempo typique du post-rock («Retreat to Hibernate», «Graue Bauten») où les cymbales sonnent comme le glas de l’extinction de tout ce qui attrait à la joie et la bonne humeur en général. La note finale «Heretoir» est juste délicieuse avec son chant «clair» aérien et ses claviers à la Sigur Ros, et à cet instant on en a plus rien à foutre des autres albums qu’on se sera procuré à côté, car Heretoir n’a rien d’une expérimentation foireuse et tend plutôt à nous faire comprendre que l’émotion sait faire la nique à la technicité quand elle est si bien transmise.
Il est l’heure mes amis d’entamer la onzième écoute, même si la première suffit amplement à prendre aux tripes. Y’a du boulot, y’a de l’envie de transmettre un message, ce serait parfait si Alcest n’avait pas déjà renversé du shoegazing dans son black, en tout cas la magie est là et elle n’attend que l’on y prête attention. Une future référence pour sûr, diaboliquement saisissante.
Laurent.
bonne sik!