Genre: rapcore/nü-métal ® 2000
Avec un nom d’album aussi absurde que sa pochette, il fut difficile pour le Biscuit Boiteux de faire croire au rockeur moyen et encore plus au métalleux aficionado que son troisième méfait allait provoquer l’effet d’une bombe. Evidemment, ce pseudo-buzz des aventures de Fred Durst qui se serait faufilé dans une suite de Christina Aguilera pendant une cérémonie des Grammy Awards n’aura fait que sortir le métal de son gentil statut underground, énervant plus d’un chevelu, mais heureusement que l’on peut compter sur les chaînes musicales pour mettre au premier plan de pareilles sottises car contre toute attente, le monde entier a pu jeter au moins une fois une oreille sur la qualité musicale de la formation, notamment grâce au clip promotionnel de Mission:Impossible II, « Take A Look Around ».
Même si critiquer négativement le groupe (surtout son frontman) pour nous avoir emmerdé avec ses histoires est tout à fait louable, l’évolution artistique de la formation est au contraire à encenser. CSHDFW est tout sauf un ersatz de Significant Other, le son a clairement changé grâce au travail de Terry Date, beaucoup plus propre et les morceaux sont plus accessibles sans pour autant tomber dans le cliché néo à mort. Le jeu des musiciens s’est également développé: des scratchs et des samples mieux utilisées par DJ Lethal, principal auteur de l’ambiance « Limp Bizkit » avec le guitariste Wes Borland. Côté rythmique, John Otto se veut encore plus hip-hop et brutal derrière ses fûts tandis que Sam Rivers apporte une touche funk bien agréable avec sa quatre cordes.
Le nombre d’élocutions du mot « f**k » aurait pu apparaître dans le Guiness des Records (environ 70 pour « Hot Dog ») certes, mais faire preuve de puérilité dans un assemblage de riffs aussi monstrueux et de mélodies prenantes finit par apporter un charme irrésistible à l’ensemble. « Nookie » et « Break Stuff » étaient de bons tubes mais aucun des deux n’aura autant stimulé que la majorité des titres de Chocolate Starfish & The Hot Dog Flavored Water. Du rapcore, on en a, sur la première moitié de l’album avec « My Generation » et « Rollin' », morceaux emblématiques de l’ère nü-métal des années 2000. Un peu plus loin dans l’album, « My Way » et »I’ll Be Ok » s’éloignent de ces racines pour offrir un peu de diversité, « The One » étant perçu comme le morceau le moins inspiré de l’album et la ballade « Hold On »,en compagnie de Scott Weiland (Stone Temple Pilots, ex-Velvet Revolver), n’apporte rien de spécial non plus. Deux collaborations avec les rappeurs XZibit (« Getcha Groove On ») et DMX/Method Man/Redman pour le remix de Nookie, presque meilleur que l’original ne font que confirmer que Limp Bizkit est bien plus qu’un follower de Korn, le groupe, à cette époque, fait tomber les dernières barrières entre le rap et le métal tout comme Hybrid Theory sorti également en ce mois d’octobre 2000. Nous finirons l’analyse avec deux des meilleurs morceaux qu’a pu nous proposer la formation: d’un côté, il y a « Full Nelson » qui est une des chansons les plus violentes du groupe et de l’autre, « Boiler » qui est le meilleur atout de ce disque: intimiste, réfléchit, il est presque un morceau parfait tant il sait faire passer les émotions.
Ainsi ce troisième méfait pourrait finalement ravir les fans des deux premiers avec ce mélange du coléreux Three Dollar Bill Y’All et de l’atmosphère parfois dérangeante de Significant Other. Ce sera le dernier avènement d’un groupe culte du mouvement néo avant que celui-ci ne sombre dans des sphères hasardeuses à partir de Results My Vary. Toutes les bonnes choses ont une fin; mais en attendant, CSTHDFW n’est toujours pas démodé, bien au contraire, et tant que le plaisir d’écoute est là, il continuera à tourner jusque l’usure fatale dans la platine. « Bring It On! »
Laurent.