Comment quatre Californiens jouant la b… à l’air ont-ils réussi à réaliser un des meilleurs albums de fusion de tous les temps? Difficile de ne pas répondre objectivement à cette problématique quand on connaît le talent propre à chaque musicien. Pionniers du style fusion avec les moins célèbres Fishbone, les RHCP maîtrisent leur sujet jusqu’au plus pop mais tout aussi bon Californication (1999), avec la formation la plus solide (malgré les engueulades) qu’est connu le groupe: Michael « Flea » Balzary en bassiste virtuose, John Frusciante en funkyman accompli, Chad Smith en marteleur assassin et Anthony Kiedis en frontman aussi bien déjanté que romantique à ses heures.
Succédant à l’impitoyable Mother’s Milk (1989), premier représentant de la fusion punk/metal/rap en parallèle avec The Real Thing de Faith No More et Vivid de Living Colour, Blood, Sugar, Sex, Magic est l’album qui fit des Red Hot ce qu’ils sont aujourd’hui: des stars internationales du rock en son sens le plus large, adulés par pratiquement tous les horizons musicaux. Premier disque à sortir en contrat avec la Warner , BSSM signe également la rencontre improbable avec le producteur Rick Rubin, aussi bien responsable des premières tueries de Public Enemy que des plus grands albums de Slayer, et avec le réalisateur Gus Van Sant, responsable de la photographie anarchique du livret. Pas de détours, le son plaque l’auditeur sur son fauteuil, asséné par ce royal couple basse/batterie, responsable direct du groove irrésistible émanant des 70 minutes de ce disque.
« Give it Away, Give it Away, Give it away now! »… Inoubliable. Légèrement plus mature que ces prédécesseurs mais encore trop farfelu pour se retrouver entre Prince et George Michael au rayon « pop » du supermarché local, ce cinquième album studio est le premier incluant autant de singles et de tubes potentiels. Le clip en noir et blanc de « Give It Away » donna encore plus d’ampleur à ce rap « blanc » instauré par les Beastie Boys, joué systématiquement sur scène. A cette époque, Kiedis s’en fout plein les narines et ça se ressent sur la schizophrénique « Suck My Kiss », énervée et renouant la jonction entre funk et métal de Mother’s Milk, tout comme « Blood, Sugar, Sex, Magic » aux influences heavy indéniables. Essentiellement tourné vers la funk avec un Flea qui n’a jamais été aussi démonstratif (« Funky Monks », « The Greeting Song »), BSSM révèle les premières instances popisantes, qui marquent un cran d’arrêt pas négligeable du tout à travers cette frénésie funk; ainsi « Breaking The Girl » ouvre le bal des ballades, suivie de près par « I Could Have Lied » avant que n’arrive le superbe de cet album, probablement un des plus beaux morceaux jamais écrits par nos quatre briscards, « Under The Bridge ».
Pierre angulaire du rock des 90’s, sortie en cette fameuse année 1991 où la musique ne cesse d’être remise en question par des albums qui nous ont marqués au fer rouge, Blood, Sugar, Sex, Magic est le plus marquant de toute la discographie du groupe, le plus dévastateur, le plus diversifié, le plus tout court. Incontournable.
Laurent.