Qui aurait cru qu’un jour, le chanteur des principaux rivaux d’Oasis, Blur, fonde avec le dessinateur Jamie Hewlett ce qui a tout de la révolution hip-hop des années 2000: Gorillaz. En fait non, pour rester dans la fantaisie, Gorillaz est né de la rencontre entre Stuart (chant), Murdoc (basse), Russel (batterie) et la petite « Noodle » (guitare). Cherchant désespérement à sortir de la routine quotidienne, les quatre musiciens aux horizons musicales divergentes se réunissent dans le modeste Kong Studio de New-York pour enregistrer leur premier album sobrement intitulé Gorillaz.
Dans cet univers fictif, l’album est un véritable échec, ce qui n’est pas du tout le cas dans le monde tel qu’on le connaît. Produit par l’américain d’origine japonaise Dan Nakamura alias « The Automator », Gorillaz est le résultat d’un mélange inédit de musique urbaine à savoir le hip-hop, le dub et le trip-hop. Pour ce faire, Damon Albarn s’est intelligement entouré de Tina Weymouth et de Chris Frantz, respectivement bassiste et batteur du groupe légendaire Talking Heads ainsi que du rappeur Del tha Funkee Homosapien qui pose son flow sur « Rock The House » et la cultissime « Clint Eastwood » et son sample tiré du film Le Bon, La Brute et le Truand, qui fût le premier morceau diffusé sur MTV; le succès est immédiat et la claque monumentale. Les influences multiples font de Gorillaz un album à part entière, ayant une personnalité bien à lui et loin de toute classification qu’on s’obstine tant à attribuer aux disques que l’on écoute. Le deuxième single, « 19-2000 », est également fort appréciable pour son côté bon enfant et enthousiaste. On y note la participation de Miho Hatori sur le refrain et de Tina Weymouth aux coeurs.
Mais ce premier opus ne se limite pas à deux (très bon) singles. Pas aussi inaccessible que ne le sont les albums de Blur post-The Great Escape, Gorillaz offre une musique posée et riche à travers des morceaux qui n’ont à première vue pas grand chose en commun entre eux mais dont chacun se révèle au final être incontournable. De la folk primaire de « Re-Hash » et de « 5/4 » qui ouvrent les hostilités de la plus underground des manières au reggae-dub ensoleillé de « Slow Country » se cachent d’autres sessions dub (« Man Research » et « Starshine » avec la voix évasive de Damon Albarn, pardon, de Stuart!) et des perles comme « Sound Check » ou « Double Bass » où les basses (sans blagues…) n’ont rien de commun dans leur utilisation. Le chanteur de jazz cubain Ibrahim Ferrer s’est fait inviter sur un « Latin Simone » pour une bossa nova moderne, et on se plaît comme ça tout au long de l’album à apprécier des styles que l’on a pas pour habitude de cotoyer.
Se terminant sur des remix des deux principaux singles, Gorillaz fût l’un de mes plus gros kifs de ces dix dernières années. Il fait partie de ces disques que l’on écoute dans n’importe quelle condition, n’importe quand et dont il est évident qu’ils nous suivront toute la vie. La petite révolution Gorillaz (le groupe) a amplement mérité son succès, confirmé à la sortie du tout aussi génial Demon Days. Il ne reste qu’un seul point à régler… »Get the coool! Get the coool shoeshine! »
Laurent.