La véritable force de l’Homme est d’accepter les déboires lui arrivant dans la tronche afin d’ en tirer des leçons et s’en servir pour aller de l’avant. Le 27 septembre 1986, il se passe ce qui peut arriver de pire au monde: un accident du tour bus de Metallica provocant la mort de Cliff Burton alors âgé de 24 ans. Le bassiste était bien plus qu’un musicien talentueux, il était un frère d’armes, un ami aux yeux de ses trois camarades pour qui le coup fût fatal. Mais malgré cette tragédie, il n’est pas question de baisser les bras. Les sessions de recrutement d’un nouveau bassiste débutent courant 1987 et ce poste d’honneurest attribué à Jason Newsted tout juste parti de Flotsam & Jetsam. Les Mets sont de nouveaux à quatre et reprennent les armes pour composer puis enregistrer leur disque le plus sombre . En vue de l’excellent travail de Flemming Rasmussen sur les oeuvres précédentes, le groupe lui paie le billet d’avion pour que le producteur le rejoigne dans leur région au One On One de Los Angeles.
Sans vraiment parler d’album « hommage », …And Justice For All possède une ambiance qui résulte de la perte de Cliff. Même en la présence de Newsted, Hetfield & cie ont un certain mal à accepter cette situation et s’arrangent pour faire passer leur nouveau camarade au second plan. Rarement le son n’avait été aussi percutant sur un album de metal en dépit de l’explosion de thrash et de l’arrivée du death metal (Horrified (1986) de Repulsion, Leprosy (1988) de Death) et ce n’est pas Lars Ulrich qui dira le contraire, s’estimant plus que satisfait du résultat. Effectivement, la batterie a été volontairement mise en avant pour assurer une rythmique brut de décoffrage, de plus les mélodies, bien que présentes et fidèles à Metallica, sont noyées dans une mélancolie omniprésente à travers des riffs violents et parfois inquiétants, en témoignent la fabuleuse ouverture « Blackened » ou « Eye of The Beholder ». Les « Four Horsemen » ont donné le meilleur d’eux-même pour atteindre un niveau technique superieur aux productions précédentes, allant même jusque dépasser les neufs minutes! Il n’y a qu’à se pencher sur « …And Justice For All » ou le somptueux intrumental « To Live Is To Die » pour s’apercevoir que rien n’est remplissage. Et quite à ne pas mettre tout le monde d’accord, ce disque possède le plus beau morceau jamais composé par Metallica: « One ». A l’instar de « Fade To Black », cette semi-ballade commence en douceur avec un duel de guitares clean qui aboutit à un thrash incisif et ultra-percutant au même titre que la plus courte « Dyers Eve » qui clôt de la plus brute des manières AJFA. Ah, j’allais oublier: la pochette est la plus belle de toute leur discographie.
Complètement anti-commercial et intimiste, …And Justice For All reste à ce jour mon plus gros coup de coeur de la part des Californiens. Comment? C’est une honte que Jason Newsted soit inaudible? Non, c’est une honte de se servir de ce détail comme prétexte juste pour le plaisir de baver sur un album et tant qu’à faire sur un groupe qui mérite son succès. Bref, un ultime coup de poing thrash avant le virage choquant du cinquième album. Il faudra attendre vingt ans avant de revoir le plus gros groupe de metal renouer avec le thrash d’antan, mais vous savez, il s’est passé d’excellentes choses entre temps, et je suis là pour vous le prouver avec un argumentaire toujours aussi impeccable. N’est-ce pas vrai?
Laurent.