Nous sommes le 18 septembre 1970 à Londres. Cette date reste gravée dans nos mémoires -du moins dans la mienne- car elle est caractérisée par une mauvaise et une bonne nouvelle: d’une part, Jimi Hendrix nous quitte pour des raisons encore incertaines, d’autre part Black Sabbath sort sa plus grosse réussite commerciale, le tonitruant Paranoid. Il ne fallut que trois jours pour enregistrer Black Sabbath, cet album en a demandé deux. Incroyable, cette volonté de ne (presque) pas retoucher aux prises alors que pourtant, le style des Anglais s’affirme enfin. Le son dixit Rodger Bain est encore plus gros tandis que les textes traitent de sujets difficilement abordables ce qui vaut au groupe le mépris de journalistes encore habitués aux mélodies pop des Beatles.
Le chevalier sur la pochette a souvent suggéré la question suivante: « mais qu’est-ce qu’il fout là, lui? », ce qui ne l’a cependant jamais empêchée (la pochette) d’être aussi célèbre que le disque lui-même. Les quatre gus sont en voie de lancer un nouveau courant musical à seulement vingt-deux ans de moyenne d’âge et quand on écoute ce qu’ils avaient dans les tripes à leur début, la comparaison avec notre époque n’est même plus envisageable. A part quelques formations dont j’aurais même du mal à citer comme exemple par souci d’objectivité, aucun groupe aussi jeune n’a composé de morceaux intemporels comme « Paranoid » ou « Iron Man », aux riffs de Tony Iommi mille fois imités mais jamais égalés. Black Sabbath a d’ailleurs été le groupe 70’s le plus repris en raison de la simplicité dont il fait preuve par rapport à Led Zep’ ou Deep Purple. L’histoire du heavy metal démarre réellement avec Paranoid dont le titre « War Pigs » en est l’un des plus impressionnants représentants par son agressivité, sa longueur et ses solos. Le seul morceau retravaillé -en coup de vent- après la session d’enregistrement est « Planet Caravan », LA ballade de Black Sabbath où la voix d’Ozzy a été revue au mixage pour la rendre plus « floue ». La version de Pantera redonnera ses lettres de noblesse a ce morceau vingt-quatre ans plus tard. En attendant, Geezer Butler nous hypnotise avec sa basse sur « Hand Of Doom » avant que Bill Ward n’assassine ses fûts sur l’instrumental « Rat Salad ». Huit morceaux pour un album qui, bien que relativement court, m’en met plein la vue à chaque écoute.
Marquant le style définitif de Black Sabbath, Paranoid est considéré comme le sacre de la période Ozzy Osbourne. De mon côté, je voue un culte au nerveux Sabotage (1975) avant que Ronnie James Dio ne vienne émerveiller la musique du groupe de sa voix sublime sur Heaven & Hell (1980). De toute manière, nous y reviendrons bientôt donc il est encore temps d’imiter le riff de « Iron Man » du mieux que l’on peut.Un classique peut-être trop surestimé par rapport à d’autres albums du groupe mais qui reste malgré tout un de mes préférés.
Laurent.