Rien n’est perdu pour le Japon. Malgré les récentes péripéties qui ont touché cette île, une partie de sa population arrive toujours à faire de la musique de qualité. Outre l’affaire du J-rock qui continue toujours à départager la communauté metal, on peut toujours compter sur un groupe vieux de vingt ans qui fût l’un des premiers à avoir mélangé black metal et éléments progressifs: Sigh.
En ce qui me concerne, j’ai rarement été déçu par la discographie de cette bande de fous. Alors bien que Gallows Gallery (2005) et Scenes From Hell (2010) n’aient objectivement pas la carrure d’un Scenario IV (1999) ou d’unHangman’s Hymn (2007) pour des questions de manque de nouveauté ou de schizophrénie légèrement effacée, le black metal de Sigh a toujours été authentique. Un son de guitare assez heavy, une production toujours modeste, la puissance n’a de toute manière presque jamais été privilégiée par Mirai (chant, basse) et d’une manière générale, a rarement fait partie de la culture japonaise qui préfère se fixer sur la mélodie. Enfin tout ça pour dire que In Somniphobia, sorti au début de l’année, ne déroge pas à la règle: un artwork aux couleurs macabres et du coté de la musique, les orchestrations sont encore présentes, la maitrise technique de chaque musicien impressionne et la diversité fait qu’il est difficile de s’en lasser.
C’est clair et net, la musique de Sigh est plus accessible qu’elle ne l’a jamais été sur In Somniphobia. Néanmoins, non seulement il y a de la nouveauté par rapport à Scenes From Hell mais plus de ça, malgré la tournure symphonique qu’entreprend le combo, il est toujours question de black metal. Une ambiance dérangeante aux allures de musique pour Halloween -la tendance du moment des groupes avant-gardistes comme Unexpect ou Diablo Swing Orchestra- a remplacé l’ambiance strictement violente du passé. “Purgatorium”, qui ouvre l’oeuvre, étonne par sa fougue épique et histoire de raconter un peu de foutaises, s’achève par un solo digne de Michael Amott (Arch Enemy, Spiritual Beggars). De quoi surprendre et c’est tout ce qu’on attend d’un groupe de cette trempe, la surprise. Un peu de jazz sur des “Amnesia” ou “Somniphobia” lentes, pouvant susciter l’ennui si on a pas l’habitude du progressif qui dure plus de six minutes. Si je n’avais qu’un titre à vous conseiller, ce serait sans aucun doute “Amongst The Phantoms Of Abandoned Tumbrils”, non pas parce qu’il peut rappeler les premiers Dimmu Borgir mais tout simplement parce que c’est un très beau morceau, aussi violent que formidablement mis en place. Un accordéon, un harmonica, des choeurs, un peu de folie soit la pièce parfaite.
Sigh fait partie de ces groupes qu’on aime ou qu’on déteste. Pas de juste milieu, que ce soit au niveau de la maigre production (volontaire) ou au niveau de ce style étrange. A mon sens, ni l’une ni l’autre n’empiète sur l’appréciation générale, ce n’est qu’une question d’habitude. En même temps, après plus de vingt ans, on aura eu le temps de s’y habituer. Bref, tout ça pour dire que In Somniphobia est tout sauf un album à dormir debout.
Laurent.