genre: rock/metal ©2007
Le nü-metal ayant exhalé ses derniers soupirs courant 2004, la question était de savoir ce qu’allaient devenir tous les groupes qui ont forgé son caractère. Tandis que Fear Factory reprend goût à la double-pédale, que Slipknot et Stone Sour ne semblent faire qu’un, que KoRn perd deux de ses membres d’origine, que Deftones s’aventure de plus en plus dans une musique inclassable (mais toujours aussi cool) et que Fred Durst (Limp Bizkit) se tape des délires à la con quitte à perdre la moitié de ses fans, Linkin Park se fait discret depuis Meteora sur ses perspectives musicales. Les nombreuses tournées à succès continuent d’éveiller le mythe mais personne jusqu’en 2007 n’avait la moindre idée de ce qu’allait contenir le prochain album du groupe, annoncé quelques semaines seulement avant sa sortie comme étant « encore plus axé sur les guitares ». Un avant-goût que tout fan a traduit comme « du bon gros metal nerveux avec des refrains qui tuent », idéalisant un rapcore tout beau tout neuf qui relancerait la machine dans lequel les Californiens aurait donné le meilleur d’eux-mêmes…
Tu parles. Je me souviens du choc émotionnel provoqué par la première écoute de Minutes To Midnight, non pas parce qu’il a surpassé ses prédécesseurs mais parce que la déception a été imminente. Pas de pitié, pas de places pour des écoutes successives qui mènent à l’apprivoisement d’un album. Avec LP, ça passe ou ça casse depuis le tout début, les gus n’ont jamais eu l’intention d’y aller par quatre chemins et c’est pourquoi la plupart des morceaux de ce troisième sont difficiles à avaler. Il semble facile de crier au génie pour des raisons de liberté artistique, il est en revanche plus difficile d’admettre que la prise de risque n’excuse pas le mauvais goût. Pourtant l’album commence très fort avec une intro magnifique (« Wake ») et un des morceaux les plus énervés du groupe (« Given Up »), qui laisse entendre une énergie toujours intacte. Produit par le légendaire Rick Rubin, Minutes To Midnight écope d’un son très rock, ce qui n’est pas un problème en soi, mais en revanche, Mr. Hahn et Mike Shinoda se font plus discrets. Ce dernier intervient principalement en solo (« In Between », « Hands Held High »), le jeu de tennis entre Shinoda et Bennington est bel et bien de l’histoire ancienne, ce qui occulte tout ce qui faisait le charme des premiers amours. Si « What I’ve Done » fait figure de single rock de bonne facture, « Bleed It Out », « Valentine’s Day », « In Pieces » et « Shadow Of The Day », titre qu’on croirait écrit par Bono, ne sont clairement pas représentatifs du groupe par leur platitude aberrante. En revanche « Leave Out All The Rest » tire son épingle du jeu avec son lot de petites mélodies accrocheuses (puis c’est aussi la B.O de Twilight, « lol »), remontant le niveau de l’ensemble avec les deux premiers morceaux et « No More Sorrow », le deuxième titre metal de l’album, pas aussi efficace que « Given Up » mais apportant le peps nécessaire pour ne pas finir complètement abasourdi par cette marée de mollesse.
Linkin Park ne fait plus de metal, c’est un fait. Le groupe assume complètement cette nouvelle orientation qui se refuse toute étiquette, ce qui lui permet de conquérir le coeur de millions de nouveaux fans pas forcément adeptes de gros riffs qui tâchent. Évidemment, un Meteora#2 aurait probablement déclenché un scandale pour manque de renouveau mais comme dit plus haut, la liberté artistique n’excuse pas un manque de créativité. Accessible, Minutes To Midnight l’est. Agréable, beaucoup moins. Les six Californiens se sont engagés dans une voie que même mon ouverture d’esprit se refuse à tolérer, et ce ne sont pas les années à venir qui vont aider à renouer les liens. Un groupe de perdu, dix de retrouvés, tant pis comme le dit si bien notre ami Frank Ribéry, la routourne continue de tourner. Passons notre chemin.
Laurent.
Lineup: Chester Bennington (chant)/Mike Shinoda (chant, clavier)/Mr. Hahn (DJ)/Brad Delson (guitare)/Dave Farrell (basse)/Rob Bourdon (batterie)
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