Crosses (†††) – †††

crossesgenre: électro-rock              ©2014

Homme prolifique, ayant participé à différents projets qui l’ont définitivement éloigné de l’image d’adolescent torturé véhiculée par les premiers albums de Deftones, Chino Moreno s’associe en 2011 avec son ami de longue date, le producteur et ex-guitariste de Far Shaun Lopez pour créer l’entité ††† (ou Crosses). Il aura fallu deux ans pour concocter un premier album (union des deux ep sortis entre temps, dont j’ignorais l’existence, pardonnez cette incompétence ) paru début 2014 chez Sumerian (The Dillinger Escape Plan, Darkest Hour, Stray From The Path), et autant dire que l’attente en a valu la chandelle.

Contrairement à l’essai peu convaincant de Palms (Chino + 3 ex-Isis), ††† est une véritable réussite, une oeuvre comme seul le chanteur en maîtrise le fond et la forme. Axé sur une succession de beats lents à l’image de Team Sleep, ††† se veut tout de même plus abordable en enchaînant les tubes électro-rock sans jamais faiblir. Tantôt joyeux tantôt triste, aucun morceau ne laisse de marbre tant notre duo redouble d’imagination. Chino démontre une nouvelle fois qu’il est l’un des plus grands chanteurs de sa génération en véritable enchanteur. Chino L’Enchanteur, un patronyme qui lui va à merveille, de toute façon ††† est parfait en tout point, il n’y a pas à chercher la petite bébête de midi à 14h, encore une fois son appréciation relève des goûts personnels.

Réussissant un coup de maître là où Trent Reznor (Nine Inch Nails, How To Destroy Angels) a parfois du mal à convaincre en terme d’électro-rock, Crosses porte le premier coup de massue pour cette année 2014 prometteuse. Un ovni déambulant parmi des modes reniées à petit feu, prêt à statuer en tant qu’album culte dans les années à venir.

Laurent.

The Prodigy – Invaders Must Die

The-Prodigy-Invaders-Must-Die-459695Genre: electronica                   ©2009

Le plus célèbre des groupes de techno indépendants, qui doit ce succès au génie de son fondateur Liam Howlett, revient en 2009 armé d’un missile anti-aliens nommé Invaders Must Die. Un retour des plus attendus après la sortie du single « Baby’s Got A Temper » (2002) puis de Always Outnumbered, Never Outgunned (2004) dont les critiques sont plutôt mitigées. Un album intéressant, varié et emprunt de nombreux clins d’oeil (Nirvana, Michael Jackson) mais pas aussi tonitruant qu’ont pu l’être les précédents.

Ce quatrième bébé marque le retour aux sonorités habituelles, ne cherchant pas l’innovation mais plutôt l’intérêt des fans qui en ont clairement pour leur argent. La grosse production assurée par Howlett lui-même adapte le style à l’air du temps, assurant la pérennité de ce son propre au groupe. Mais malgré ce sentiment de confort qui s’installe chez les habitués, qu’en est-il réellement de la créativité? Trop peu présente à mon goût. Invaders Must Die n’est pas un mauvais disque, loin de là puisqu’il offre quelques perles devenues des classiques (« Invaders Must Die », « Stand Up ») mais dans sa globalité, Howlett s’est juste contenté de renvoyer l’auditeur à un opus de sa discographie selon le morceau. Un concept qui refroidit quand on s’attend à des surprises comme Liam nous y a toujours habitué. Plus de ça, les danseurs/chanteurs Keith Flint et Maxim Reality ne sont pas mis en valeur, trop effacés dans le mixage -il suffit de comparer « Breathe » et « Take Me To The Hospital »- pour appuyer la facette rock, présente uniquement lorsque Dave Grohl apporte son soutien (« Run With The Wolves »).

L’ère The Prodigy touche à sa fin. Liam Howlett n’impressionne plus tandis que d’autres artistes comme les Chemical Brothers ou Justice apportent de la fraîcheur. Invaders Must Die se contente de faire danser et c’est ce qui lui a valu son succès, cependant il lui manque cette liberté, ce grain de folie punk, en clair ce génie qui dit merde à toutes les conventions. Espérons que le leader, pardonnez-moi l’expression, se sorte les doigts du c… dans le futur afin de nous remettre un peu de paillettes dans les yeux.

Laurent.

Linkin Park – Reanimation

linkin-park-reanimation-104716228Genre: Electro-rock/hip-hop  ©2002

Comment traverser un mur après l’avoir déjà bien attaqué d’un seul coup de poing? La réponse est entre les mains d’un groupe de rock californien connu de toutes les générations (ou presque): Linkin Park. Comme si le phénomène Hybrid Theory n’avait pas suffit, le bande à Mike Shinoda (chant rappé, guitare) rempile un an après sa sortie mondiale avec un album de remixes de ce dernier produit par le groupe lui-même.

Si pas mal de fans le considère comme un album à part entière et également la meilleure chose que le groupe ait faite en raison de son aspect plus underground, Reanimation dégage un certain charisme par la flopée d’invités venus aider LP à revisiter ses propres chansons. La touche pop que soulignent en premier les réfractaires à quasiment disparue en raison d’un important apport de sonorités électroniques, ainsi des morceaux comme « Crawling » (ici « Krwlng » en compagnie d’Aaron Lewis, chanteur de Staind) ou « One Step Closer (ici « 1stp Klosr » en duo avec Jonathan Davis qu’on ne présente plus) deviennent instantanément plus virils et riches. Également très orienté hip-hop, Reanimation recèle de featurings cassant définitivement les barrières entre les styles avec des rappeurs célèbres dans l’underground à l’instar de Black Thought de The Roots (« X-Executioner Style »), le groupe Cali Agents (« Ppr:Kut ») ou Aceyalone (« Wth>You »). Le producteur Josh Abraham (Crazy Town, 30 Seconds To Mars, Staind) participe même aux arrangements de « By_Myslf », donc autant dire que d’énormes moyens ont été agencés pour cette galette hors-du-commun.

Un album de remixes donc, mais pas que. Reanimation n’a pas été conçu pour combler l’espace entre Hybrid Theory et Meteora, il est le fruit d’un groupe encore animé par la flamme de l’inspiration et de la nouveauté. Une production sincère, authentique et intemporel, bravo les mecs.

Noisyness.