Foo Fighters – The Colour & The Shape

Genre: post-grunge                    ®1997

Avoir fait partie d’un des groupes de rock les plus influents de la planète n’est qu’un sale prétexte en ce qui concerne le succès grandiloquent qu’a connu Dave Grohl et ses Foo Fighters juste après la mort du dieu Kurt. Car celui à qui on demandait de frapper moins fort sur ses fûts est aussi doué à ce poste qu’en tant de cerveau-guitariste-chanteur. Il l’avait d’ailleurs prouvé sur un premier album éponyme à la prod’ bien cradingue, un peu faiblarde mais qui donnait du grain aux quelques tubes (« This Is A Call », « Big Me ») qui s’y trouvent.

Las qu’on lui colle l’étiquette « d’ancien Nirvana », Grohl décide de corser l’affaire pour la composition des morceaux: plus question de ne parler que de grunge, plus question de faire dans le linéaire, le frontman devient complètement maniaque et finit par frustrer le batteur William Goldsmith qui se barre en plein milieu de l’enregistrement de l’album, dont Grohl lui-même achèvera les quelques parties de batteries manquantes. Les morceaux finalisés, il ne manque plus qu’à faire appel à celui qui donna cette fibre unique au Trompe Le Monde des Pixies, Mr. Gil Norton. Voilà donc le responsable de ce son presque parfait, clean et laissant libre cours à chaque instrument de s’exprimer.

On peut dire que l’histoire des FOO commence véritablement avec cet album: bien plus qu’un simple groupe de power-pop, ils font preuve, tout comme leurs compatriotes de Weezer et leurs amis lointains de Ash, d’une classe héritée de la bande de Franck Black et d’une énergie encore accroché à ses racines grunge. Ici, on se moque que le groupe alterne entre morceaux qui foutent une pêche d’enfer (« Monkey Wrench », « Up In Arms », « New Way Home ») et les ballades comme « See You » et « February Stars », car ces treize morceaux forment une entité tout à fait cohérente, avec des « My Hero » et « My Poor Brain » à tomber par terre.

On ne le dira jamais assez, Foo Fighters existe pour donner le sourire. N’allez pas chercher en eux la démoralisation ou au contraire l’exutoire par excellence. Partisan de la bonne humeur, Dave Grohl ne décevra pas sur les albums suivants, mais The Colour & The Shape reste le plus marquant de sa carrière (dans les Foo), du moins celui dont on se souvient tout de suite malgré ce nom ridicule et sa pochette affreuse. Le bonne époque du rock alternatif…snif.

Laurent.

Stone Temple Pilots – Core

Genre: grunge                        ® 1992

 

Il fut un temps où Scott Weiland était suffisament sobre pour ne pas chuter en pleine prestation scénique (on en rit encore malgré nous), cette première moitié des 90’s où la belle Californie révélait au monde entier que Seattle n’était pas le seul berceau du grunge avec l’apparition d’une nouvelle sensation hard rock moderne: Stone Temple Pilots. Les membres, qui se sont rencontrés à un concert des Black Flag, sont jusqu’à présent restés fidèles à leur poste, chose rare pour un groupe en vingt ans de carrière.

Produit par le géant Brendan O’Brien à qui l’on doit la plupart des succès commerciaux des années à venir (The Offspring, Korn, Incubus, Papa Roach etc…), Core débarque en avril 1992 dans l’unique but de casser la barraque. Cette approche rock 70’s qui sent bon le palmier -et les acides- engendre un succès presque imminent de ce premier effort qui se vend à des millions d’exemplaires rien qu’aux States, ce qui en fait la plus grosse réussite du combo.

Musicalement, le jeu en vaut la chandelle. Là où les groupes de Seattle ne s’attèlent chacun qu’à un style (punk ou blues ou heavy métal), les STP puisent plutôt dans plusieurs registres, aussi bien chez Led Zep ou Bowie que dans les premiers crus grunge, ce qui apporte une intensité rare dans le monde du rock. Difficile de ne pas s’imaginer traverser la côte Ouest des Usa en décapotable à l’écoute du hard rock puissant de « Sex Type Thing » (Weiland module sa voix de manière impressionante, et utilise un mégaphone pour le refrain), de « Crackerman » et de « Wicked Garden », véritable hymnes à la vitesse. Les quelques titres plus soft font également partie des morceaux phares de l’album, à l’instar de la ballade acoustique « Creep » et surtout de l’ultra-mélodique « Plush », qui vaudra un Grammy Awards au groupe en 1994 pour la meilleure performance rock.

Il y’a quand même un petit point noir auquel les quatre auront du mal à se défaire, en particulier le frontman et le batteur: si le timbre du premier n’évite que peu les clichés du grunge, faisant parfois trop penser à ses compères Eddie Vedder (la pourtant accrocheuse « Sin ») et Layne Stanley (« Piece of Pie »), le jeu du second est un poil trop répétitif, manquant cruellement de roulements et d’une force de frappe typique du genre. Mais ce n’est pas ce qui empêchera une écoute agréable dans l’ensemble. Tout amateur de psychédélique et de bon rock bien gras en aura pour son compte, ça ne fait aucun doute.

STP a réalisé l’album le plus nerveux de sa discographie, qui s’orientera davantage vers une base hard rock classique par la suite, mais non moins alléchante. 15 millions d’opus vendus à travers le monde, si c’est pas beau quand même, hein…

7,5/10

Laurent.

Soundgarden – Superunknow

Genre: grunge                             ® 1994

Premier trimestre 1994. La scène de Seattle, après quelques années d’un succès fulgurant, intrigue de plus en plus le monde entier: Cobain se fait porter pâle, Alice in Chains et Pearl Jam ont pris goût à ne plus saturer leur son et les Mudhoney enchaînent les concerts médiocres. La confusion est de mise, d’autant plus que l’espoir de revoir un jour Seattle revivre ne repose plus que sur les épaules du seul groupe qui n’a pas grand chose à se reprocher à l’époque, Soundgarden, dont la sortie de son album Superunknow est prévue pour mars.

Badmotorfinger (1991) fut applaudi de tout horizon par son côté sombre et vitaminé, et le quatuor pût enchaîner les tournées promos dont une en compagnie des Guns’N’Roses. Avec un succès déjà bien entamé, il ne manquait plus qu’à Cornell & Cie de sortir ce qui sera leur album charnière pour prendre les rênes de meneurs du rock alternatif avec plus de trente millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Et contrairement à la vision contemporaine de la musique où les labels ont pris le dessus sur les « artistes » pour la composition d’albums, A&M laisse le libre cours à Soundgarden de pondre une machine à hits provenant donc de ses propres tripes, tout en ayant la conception d’adoucir le ton et ainsi d’atteindre davantage d’auditeurs.

Produite par Michael Beinhorn (Ozzy, Soul Asylum, RHCP) et co-produite par Chris Cornell, la bombe atomique Superunknow est pour commencer moins linéaire que son prédécesseur, et propose en soixante-dix minutes une mixture originale où les Beatles discutent des pires vices de l’Homme avec Black Sabbath.

Alors oui cher lecteur, tu as la permission de penser systématiquement au super tube «Black Hole Sun» avec sa mélodie inoubliable et le solo de Kim Thayil qui rendrait hystérique n’importe quel guitariste essayant de le reproduire à la note près, le tout porté par un clip déjanté diffusé à tour de bras sur les chaînes musicales jusqu’à la fin des 90’s. Pas très loin derrière, la plus fun «Spoonman» («l’homme-cuillère»), «Fell On Black Days» et «The Day I Tried To Live» représentent à leur manière le potentiel énergique et surtout mélodieux de la formation. Un peu de doom avec les dix tonnes «Mailman» et «4th Of July», un petit clin d’oeil à Pearl Jam avec «Kickstand», voilà une galette incroyablement riche en inspiration et emplie d’émotions.

Peut-on dire que la mort de Cobain un mois après la sortie de Superunknow a fortement aidé le groupe à atteindre son apogée, c’est difficile à dire, mais en vue des sujets abordés par Cornell, qui correspondent à des faits vécus par des personnes comme l’ex-leader de Nirvana, le public bouleversé par cette tragédie a pu tenter de comprendre ce geste par le biais de «Like Suicide», mais en dehors de cette théorie personnellement fondée, il est indéniable que cette production au même titre que Nevermind et Ten aura influencé une multitude de groupes issus des vagues Nü-métal et post-grunge, et n’aura de plus pas vieillit pour un sou. Un des atouts majeurs du rock moderne, une référence pure et dure, un chef-d’oeuvre en fait. A connaître.

Laurent.