Machine Head – The Burning Red

the burning redgenre: néo-metal                     ©1999

« -Pffff ce n’est pas du Machine Head, c’est de la soupe commerciale »                                            « -Ils ont vendu leurs culs à Roadrunner »

Ces propos vous font marrer? Il y a de quoi, et ça fait quinze ans que ça dure. Le problème est relativement simple: pour apprécier The Burning Red à sa juste valeur, il faut aimer le néo-metal, né en partie grâce au son nouveau de Machine Head. En pleine explosion à partir de 1998, le genre sera vite réfuté par ses deux principaux géniteurs à savoir KoRn et Deftones tandis que d’autres comme Fear Factory et bien sûr MH s’y jetteront à cœur ouvert, le voyant comme une opportunité de proposer des choses nouvelles (et surement de gagner plus de fric, mais on va éviter d’y faire trop allusion).

En plus de l’orientation musicale, d’autres changements ont eu lieu: Logan Mader quitte le navire sans raison valable en 1998, parti rejoindre Soulfly (pour s’y faire lourder 8 mois plus tard, bref…), laissant le poste de gratteux à Ahrue Luster, et la prod’ est confiée non à Colin Richardson mais à… Ross Robinson, le créateur du son néo! Ça part exemple! Que de bonheur, n’est-ce pas? Exit le mur de guitares, la basse grondante ainsi que les longs passages sombres et place à une musique plus accessible au mixage compact signé Terry Date. La présence de Robb Flynn se veut moins oppressante, le gus employant du chant clair sur toutes les pistes et révélant par la même occasion ce talent qui est la cause de l’ire d’une partie des fans: un chant rappé sur deux titres, « Desire To Fire » et le tube « From This Day ». Il aura fallu un bon nombre d’écoutes avant de trouver le frontman crédible dans ce registre et bien que rien ne vaille les vocaux puissants des deux premiers, il faut reconnaître que ces deux titres sont sacrément efficaces, bourrés d’énergie et de mélodies, bref du néo, quoi. Plus conventionnel, « The Blood, The Sweat, The Tears » est le seul titre à satisfaire tout le monde avec son riff légendaire, véritable incitation au headbanging avec quelques envolées mélodiques, un des plus beaux joyaux de tout le répertoire de MH. À coté de ça, on trouve du bon (« Nothing Left », le rythmé « I Defy »), du passable (« Silver », « Exhale The Vile », « Devil With The King’s Card ») et du mauvais (« Five », morceau inutile). Concernant la reprise de « Message In A Bottle », n’ayant jamais été fan de The Police -mais de la carrière solo de Sting- je trouve la version MH efficace et loin d’être aussi ridicule qu’on le prétend. Enfin l’album se termine sur la ballade « The Burning Red » à l’ambiance tristounette et pleines de bons sentiments.

The Burning Red marque une nouvelle ère pour les quatre californiens qui ont décidé de suivre le mouv’ (mais non, pas la station FM, kéké) plutôt que de peaufiner le style unique des premières années. Un risque qui n’a laissé personne dans l’indifférence, entre les réfractaires au néo et les mélomanes qui apprécient les discographies variées. MH n’a de toute manière jamais vraiment perdu son identité, entre rythmes lourds et mélodies, mais les exigences du groupe envers Ross Robinson ont donné un tout autre relief à sa musique. On aime ou on déteste, de mon côté cet album a toujours été un plaisir à écouter. Pas incontournable mais pas à bannir pour autant.

Laurent.

Line up: Robb Flynn (chant, guitare), Adam Duce (basse), Dave McClain (batterie) et Ahrue Luster (guitare)

Linkin Park – Hybrid Theory

LPGenre: rap/metal alternatif  ©2000

Vous savez que le Metal est à l’origine, une musique inaccessible au grand public par la prédominance de sons violents émis par des guitares ultra-saturées. Vous savez aussi qu’à la fin des 80’s, des gus ont dit un gros merde aux conventions en le fusionnant avec le rap, genre complètement à l’opposé mais dont le résultat s’est avéré être fort appréciable. Une dizaine d’années plus tard, des californiens sous l’influence de Deftones, KoRn et Limp Bizkit (eux-mêmes californiens, sauf pour la bande de Fred Durst issue de la Floride) vont squatter les téléviseurs pendant des mois grâce à un premier album taillé dans sa quasi-intégralité pour les formats radiophoniques, Hybrid Theory, « Ze Albeume » qui va permettre à toute la populace d’avoir une idée, même minime, de ce qu’est le Metal, et « Ze Albeume » de la reconversion musicale pour une grande partie de la génération 1980.

En soit, Hybrid Theory est l’album parfait pour mettre un pied dans le rock nerveux. Une prod’ monstrueuse signée Don Gilmore, des riffs simples, un dj fou (M.Hahn), un chant hip-hop (Mike Shinoda) et un chant pop/hurlé (Chester Bennington) pour des morceaux qui dépassent rarement les trois minutes. Quand on a déjà goûté à la sauce rap/metal avec RATM ou (Hed)P.E, on se dit que finalement tout ça n’a rien d’exceptionnel, mais ce disque est si accessible qu’il est difficile de lutter et finit par s’imposer sur la platine. Le clip de « In The End », par exemple, a bombardé les chaînes musicales jusque la sortie de Meteora soit trois ans plus tard, alors que je ne lui trouve pas plus de qualités qu’un « Papercut », « One Step Closer » ou la puissante « Crawling ». Certains titres comme « Points Of Authority », « Runaway » ou « Forgotten » se démarquent légèrement de cet aspect « radiophonique » (navré pour ces termes dérangeants) et se révèlent pourtant tout aussi construits et addictifs. En même temps, tout le monde ne peut pas être Moby -son album Play est le premier de l’histoire de la musique à être signé sous license commerciale dans son intégralité- mais l’album aurait d’autant plus été critiqué par « son manque d’intégrité au sein de l’underground » par les puristes du Metal, ce qui est fâcheux pour les êtres ouverts d’esprit.

Aujourd’hui, personne n’est capable de dire sur quel pied dansent nos six amis. Electro, rock, hip-hop, le groupe s’est forgé un style à lui mais qui fait beaucoup moins l’unanimité qu’avec ses deux premiers albums. Il faut reconnaître que même si désormais, ces derniers ne touchent plus autant, la trace qu’ils ont laissé dans nos coeurs nous suivra jusqu’à la mort, et tenir des propos négatifs à leur sujet alors qu’ils ont permis des ouvertures du rap vers le metal et vis-versa relèvent simplement d’une mauvaise foi abérrante. Mais que voulez-vous? Il faut de tout pour faire un monde, et ce sont les mélanges qui le font avancer, pas vrai?

Laurent.

Drowning Pool – Sinner

Genre: nü-metal                          ©2001

Dans notre passion pour la musique, il y a deux sortes de coups de coeur: les albums qui nous foutent une claque mais qu’on abandonne au bout de quelques semaines, et ceux dont la claque a laissé une trace indélébile dans l’esprit. Arrivé au bon moment ou simplement au-dessus du lot, il y a des tas de raisons qui peuvent transformer un groupe objectivement moyen en nouveau messie à nos yeux. En 2001, le rap metal domine le marché, mené par Limp Bizkit, Papa Roach, Linkin Park, P.O.D et un tas de groupes de suiveurs. Pantera est au bord de l’explosion, Machine Head s’éclate en faisant du (très bon) néo, mais qu’advient-il donc de ce fameux « groove metal »? Pas de panique, la relève est déjà active: Lamb Of God cartonne avec New American Gospel (2000), tandis que Mudvayne et Drowning Pool disent merde au rap metal avec un album de néo respectif dont les principales influences sont Pantera et Machine Head.

Produit par Jay Baumgardner (Papa Roach, Coal Chamber), Sinner a fait un sacré effet dès son apparition. Le clip de « Bodies », passé en boucle à l’époque sur MTV, permet au groupe d’avoir une reconnaissance certaine même en France. Des guitares lourdes, des rythmes bien groovy et un chanteur exceptionnel, Dave Williams, au chant hurlé assez proche de celui d’un certain Phil Anselmo, mais au chant clair tout à fait personnel. Assez court avec ses trente-huit minutes au compteur, Sinner défile à une vitesse hallucinante, si bien qu’il s’est retrouvé de temps en temps à tourner vingt fois dans une même journée! Si j’avais une chose à reprocher à cet album, c’est la linéarité dans les morceaux suivant la magnifique « Tear Away », où Dave enchante par sa voix à la fois claire et virile. Fort heureusement, les gus avaient encore le sens du tube à cette époque donc on arrive à mémoriser au moins les 3/4 de l’album.

Inutile de revenir sur le destin tragique de Dave Williams qui s’est éteint pendant l’été 2002. Inutile de rappeler que cette nouvelle a bouleversé plus d’un fan. Inutile de rabâcher qu’après, plus rien ne sera pareil avec l’arrivée d’un Jason Jones fort peu convaincant et d’un RyanMcCombs (ex-Soil) qui, même s’il a permis au groupe de remonter la pente, n’a pas le charisme du premier chanteur. Non, Drowning Pool, ce n’était pas « mieux avant », Full Circle (2007) et Drowning Pool (2010) sont de bons disques mais peut-être pas aussi démarqués que n’a pu l’être Sinner en 2001. On pourrait presque parler d’album culte du nü-metal, qu’en dites-vous?

Laurent.