On cite souvent Coroner pour désigner un groupe qui a énormément contribué à l’évolution du métal, ce qui est loin d’être une erreur. Mêlant plans techniques propres à lui et passages atmosphériques, le trio suisse a effectivement laissé une trace indélébile avec ses deux derniers albums, Mental Vortex (1991) et Grin (1993), dont aucune formation à ma connaissance n’a depuis réussi avec autant de brio à repousser les limites du thrash metal. Et pourquoi donc parler autant de Coroner dans un article sur les amerlocs de Last Crack? Tout simplement parce que la barrière entre ces deux formations est mince, puisqu’encore aujourd’hui, on peut considérer Last Crack comme étant le « Coroner » du heavy! Beaucoup moins célèbre, le quintet a pourtant mis la main à la pâte en proposant tout au long de sa carrière un heavy progressif qui, comme Coroner, mise davantage sur les ambiances que les morceaux de 10 minutes avec démonstrations techniques incessantes de chaque instrument, et ce Burning Time représente l’ultime chef-d’oeuvre d’un groupe passé à la trappe pour son avant-gardisme prononcé. Il faut dire qu’en cette année 1991, non seulement sortait un Mental Vortex assez proche dans l’esprit mais également d’autres pierres angulaires du rock qu’il sera inutile d’énumérer encore, et encore…
Inconnu du bataillon sauf pour les aficionados du métal qui n’a absolument rien de cliché dans sa structure, Burning Time a tout de l’album qui déconcerte autant qu’il fascine par son originalité. Difficile de savoir si le métal joué par Last Crack provient réellement du prog de Rush, du glam de Mötley Crüe, du hard de Def Leppard ou de Metallica pour les quelques influences qui s’en ressentent, mais ce n’est qu’une maigre analyse personnelle. Et on ne peut tout bonnement pas comparer incessamment Last Crack à Coroner pour l’absence du thrash sale et nerveux et parce que la voix de Ron Royce (Coroner) n’a rien à avoir avec celle de Buddo, beaucoup plus mélodique et chaleureuse. En gros, Burning Time est un enchaînement de tubes qui n’ont rien de tubesques dans la forme, qui n’ont pas vraiment grand chose à voir entre eux, et pourtant, on en garde un souvenir marquant tout en le redécouvrant à chaque écoute.
Mis en valeur par la production ciselée de Dave Jerden (Jane’s Addiction, Alice In Chains), Burning Time est le genre d’album qu’on ressort de temps en temps parce qu’on ne peut pas s’en lasser. Vingt-et-un ans après sa sortie chez Metal Mind, filière rachetée par Roadrunner, le heavy particulier de Last Crack arrive encore à surpasser bien des productions modernes qui ressassent des sauces vieilles de trente ans. Juste monstrueux!
Laurent.