Sous ses airs de sterne survolant paisiblement un océan bleu et calme, le premier album du trio canadien Sea Of Green est en fait, pour ne rien cacher, une sorte de pamphlet de leur indifférence vis-à-vis des sommations contre la consommation de la cigarette-qui-fait-rire. La « mer de vert » est d’ailleurs le nom donné à la culture hydropolique, mais inutile d’avancer plus sur le sujet.
Amateur de rock lourd et de psychédélique, te voilà servi. Car ce qu’il faut savoir, c’est que cette première livraison est d’une ambiance aussi pesante que planante. Du haut de ses cinquante minutes, Time to Fly regorge autant de morceaux à la limite du métal (« Annihilation », « Women Today », « People of the Earth », « Long Time Coming ») que de plages atmosphériques (« Ever After », « Orion’s Belt », la reprise de Pink Floyd « Breathe »).
Mais l’élément le plus marquant est surement le timbre hypnotique de Travis Cardinal qui tient vaillamment la main à sa Stratocaster, même si on lui reprochera une certaine linéarité tonique dans son chant. Heureusement que la production signée Nick Blagona (The Police, Rush) apporte un équilibre juste entre le duo Dowd/Bender tantôt énervé, tantôt évasé et les notes de Travis.
Un Ep et deux albums pour cinq ans de carrière, c’est peu et beaucoup à la fois: on aurait aimer voir le groupe alimenter davantage son potentiel à pondre des morceaux efficaces, mais son manque d’initiative à organiser des tournées lui vaudra en 2004 les tourments de son label Music Cartel qui laissera le trio sans quelconque provision après une césure brutale du contrat.
C’est bien dommage que le stoner ne plaise qu’à la critique, parce qu’il faut avouer que niveau notoriété, les adeptes du genre se comptent sur les doigts de la main.
Plus qu’un énième ersatz de Kyuss ou Monster Magnet, le heavy rock des Sea of Green rejoint plutôt les rangs de Fu Manchu sans pour autant être aussi répétitif. Simple mais efficace, Time to Fly est la pause idéale entre le Paranoid du Sabbath et Dark Side of The Moon des Pink Floyd. Riches en mélodies qui imprègnent la cervelle, il serait tout de même affligeant de ne pas jeter une oreille curieuse sur cette galette… surtout que le sujet concerne aussi bien les pratiquants que les athés de la fumette!
Laurent.