Queens Of The Stone Age – Songs For The Deaf

Genre: stoner/pop              ®2002

Et blablabla, Nevermind  par-ci, Nevermind par-là. Nevermind, ultime révolution du rock avant un retour aux sources dans les années 2000 (White Stripes pour le garage, Strokes pour le post-punk) qui n’a fait qu’avancer de peu celui-ci. Et bien vous savez quoi? La ferme! Car onze ans après ce bon mais surestimé Nevermind, il y a eu cet album des Reines de l’Age de Pierre qui a bouleversé ma vie. Avant même de connaître Kyuss, Monster Magnet et de me plonger dans ce rock si sobre mais tellement génial qu’est le stoner, Songs For The Deaf, sauf intervention intempestive de Josh Homme pour me contredire, a redonné un souffle non seulement au genre mais au rock d’une manière générale. Ceux qui crachent sur ce qui touche de près ou de loin à la « pop » n’ont certainement pas cherché à comprendre l’impact positif qu’a pu avoir ce disque sur des amoureux de musiques violentes de décérébrés. Rated R (2000) avait déjà posé les bases de ce mélange particulier de stoner[…] pardon, de rock et de mélodies popisantes, mais pas encore de « No One Knows » pour faire éclater le groupe au grand jour.

Enregistré en Californie, Songs For The Deaf est né de la réunion de quatre musiciens étonnants: Josh Homme (chant, guitare), Nick Oliveri (chant, basse), Mark Lanegan (chant), déjà ensemble pour l’album précédent, on été rejoint par Dave Grohl qu’on a pas entendu à la batterie depuis The Colour & The Shape (et non Nirvana comme le prétend Wikipédia puisque le batteur des Foo Fighters s’était barré en plein enregistrement de cet album). Le son est puissant, « You Think I Ain’t Worth a Dollar, But I Feel Like a Millionaire«  nous piège avec un riff explosif succédant à un délire avec des stations de radio américaines. Le titre de l’album (littéralement « Chansons pour les sourds ») vient d’une traversée du désert -au sens propre- en voiture par Josh Homme qui ne captait que des radios espagnols farfelues. Le leader a décidé d’en faire un des thèmes de ce disque de manière parodique. Mais la véritable force de cet opus, outre son côté décalé, se trouve dans son incroyable diversité. N’ayant pas grand chose en rapport avec Linkin Park non plus,  le rock burné fornique avec la pop d’une manière encore vaguement exploitée jusqu’ici. Les tubes, aussi modestes soient-ils, sont là, il n’y a d’ailleurs que ça, qu’ils soient presque maintream (« No One Knows », « Go Fith The Flow ») ou plus underground (« A Song For The Dead », « First It Giventh ») histoire d’en citer quelques un. Le choix de Dave Grohl derrière les fûts n’est pas anodin, rarement un son de batterie n’avait été aussi mis en avant sans jamais taper sur le système. Et pour la première fois, Mark Lanegan assure le chant principal sur deux titres, « Hangin’ Tree » et « God Is On The Radio » apportant une ambiance encore différente de celles apportées par Homme et Oliveri.

Assez de balivernes et venons-en à la conclusion: Songs For The Deaf exprime tout ce qui se fait le mieux dans le rock en soixante minutes. Sans jamais tomber dans la facilité, les Reines de l’Age de Pierre sont passé du menhir au silex avec la volonté de trancher plus que d’écraser. C’est sûr, tout comme ce silex, elles étaient taillées pour ça. A ce jour, il reste leur album le plus abouti même si les suivants ne dérogent pas à la règle de la succession de tubes. Pardon? Ce mot vous gêne? Queens Of The Stone Age = Machine à TUBES, un point c’est tout.

Laurent.

Sea Of Green – Time To Fly

Genre: stoner                    ®2000

Sous ses airs de sterne survolant paisiblement un océan bleu et calme, le premier album du trio canadien Sea Of Green est en fait, pour ne rien cacher, une sorte de pamphlet de leur indifférence vis-à-vis des sommations contre la consommation de la cigarette-qui-fait-rire. La « mer de vert » est d’ailleurs le nom donné à la culture hydropolique, mais inutile d’avancer plus sur le sujet.

Amateur de rock lourd et de psychédélique, te voilà servi. Car ce qu’il faut savoir, c’est que cette première livraison est d’une ambiance aussi pesante que planante. Du haut de ses cinquante minutes, Time to Fly regorge autant de morceaux à la limite du métal (« Annihilation », « Women Today », « People of the Earth », « Long Time Coming ») que de plages atmosphériques (« Ever After », « Orion’s Belt », la reprise de Pink Floyd « Breathe »).

Mais l’élément le plus marquant est surement le timbre hypnotique de Travis Cardinal qui tient vaillamment la main à sa Stratocaster, même si on lui reprochera une certaine linéarité tonique dans son chant. Heureusement que la production signée Nick Blagona (The Police, Rush) apporte un équilibre juste entre le duo Dowd/Bender tantôt énervé, tantôt évasé et les notes de Travis.

Un Ep et deux albums pour cinq ans de carrière, c’est peu et beaucoup à la fois: on aurait aimer voir le groupe alimenter davantage son potentiel à pondre des morceaux efficaces, mais son manque d’initiative à organiser des tournées lui vaudra en 2004 les tourments de son label Music Cartel qui laissera le trio sans quelconque provision après une césure brutale du contrat.

C’est bien dommage que le stoner ne plaise qu’à la critique, parce qu’il faut avouer que niveau notoriété, les adeptes du genre se comptent sur les doigts de la main.
Plus qu’un énième ersatz de Kyuss ou Monster Magnet, le heavy rock des Sea of Green rejoint plutôt les rangs de Fu Manchu sans pour autant être aussi répétitif. Simple mais efficace, Time to Fly est la pause idéale entre le Paranoid du Sabbath et Dark Side of The Moon des Pink Floyd. Riches en mélodies qui imprègnent la cervelle, il serait tout de même affligeant de ne pas jeter une oreille curieuse sur cette galette… surtout que le sujet concerne aussi bien les pratiquants que les athés de la fumette!

Laurent.

Trouble – Run To The Light

 Genre: heavy/thrash doom         ®1987

Le doom comme le stoner ont un pilier en commun, un quintet originaire de Chicago à la maigre notoriété en raisons des incessants crêpages de chignon avec ses labels mais à la discographie des plus respectables. Premier groupe à avoir mélangé gros son doom et heavy façon Judas Priest avec une touche de psychédélique 70’s, Trouble, malgré sa contribution minime mais honorable à l’évolution du métal, ne rencontra le succès que pour un court laps de temps avec la parution de son album culte, Run to the Light.

Sorti en pleine explosion du thrash et un an après le Epicus Doomicus Metallicus de Candlemass, ce troisième méfait paraît dans un premier temps comme une excellente occasion de rallier les mordus de rythmes rapides avec les amoureux de riffs bien gras. Dernier brulot avant la séparation avec Metal Blade, Run to the Light a subi une décevante succession de critiques négatives à sa sortie en raison d’une production très moyenne – on le ressent effectivement encore plus aujourd’hui – mais ceci n’empêcha pas pour autant le groupe de se faire respecter auprès d’un certain public.

Loin de la mélancolie de ses homologues doom et pas non plus aussi rapides que le sont la plupart des groupes de heavy, Trouble impressionne plutôt pour son originalité et sa capacité à fournir des titres mémorables comme le hit « Thinking Of The Past » et la progressive « Run to the Light », portés à la fois par des parties rythmiques écrasantes, les solos mélodieux du guitariste-fondateur Bruce Franklin et par ce chanteur à la voix nerveuse et bien à lui, Eric Wagner (dommage pour les amateurs de musique classique, c’est la porte à côté). « The Misery Shows » ouvre l’album d’une manière un peu « kitsch » avec son intro au clavier bizarroïde qui laisse place à un morceau très typé heavy avec une belle performance du batteur intérimaire Dennis Lesh.

En réalité à cette époque, Trouble se situe encore trop près des fesses de Rob Halford (ce qui, entre nous, ne devait pas trop gêner ce dernier, bien au contraire) pour appartenir au monde du doom, néanmoins la qualité des morceaux de Run to the Light n’exclue pas le groupe du statut de parrain du « permis métal super-lourd ». Alors même si cette « Born In A Prison » est en-deçà du level général, les tueries « Peace Of Mind », « Tuesday’s Child » (mention spéciale à Wagner pour ses modulations impressionnantes) ou « The Beginning » (LE morceau doom de l’album) ainsi que les morceaux cités plus haut suffisent à se remplir la panse de heavy métal sans à avoir à se perdre en court de route avec un peu moins de quarante minutes de riffs en plomb.
Le Chicago band trouvera ensuite sa voie avec un vrai premier album éponyme de stoner/doom mais surtout, ne crachons pas sur cette période de transition qui fut éprouvante pour lui et tout aussi importante voire plus que les albums à venir. Une simple et honnête « nostalgie du passé », rien de plus.

Laurent.