Lou Reed & Metallica – Lulu

Genre: avant-garde metal            ®2011

Quel beau merdier ont foutu ces cinq rigolos! Sans déconner, aurait-on pu imaginer une seconde une collaboration entre le papy Lou Reed, père du (proto-)punk, et les géants Metallica avant l’annonce de  Lulu mi-2011? A sa sortie, une polémique se répand instantanément parmi les metalheads qui en ont visiblement ras-le-bol des initiatives prises par l’un des plus grand groupe de metal depuis maintenant vingt ans (bien que ce dernier continue à afficher complet à chaque concert) sauf que cette fois, c’est la goutte qui fait déborder le vase, puisque a priori, Lulu est considéré comme le dixième album des Mets, ce qui est faux bien entendu. Il s’agit là d’un projet à part d’un groupe désireux de se détacher de son image « Master Of Puppets » bien que les anciens titres soient toujours joués en live.

Les 70 ans de Lou Reed affichent les mêmes talents d’auteur-compositeur-interprète qu’il y a quarante ans, pour un peu qu’on apprécie ce timbre particulier et ce phrasé/parlé typique, tandis que les Mets de leur côté innovent en proposant une musique tantôt lourde et bien hard, tantôt mélodique et quasi-ambiante. Une première pour un groupe de cette envergure qui surprend par son ouverture d’esprit. Tout ceci demande néanmoins une certaine patience et plusieurs écoutes approfondies car Lulu est tout sauf rentre-dedans. Aucun titre n’est plus étrange qu’un autre, les dix recèlent d’éléments déroutants que ce soit le chant de Lou Reed (« The View », « Pumping Blood »), le noise ambient (« Dragon », « Cheat On Me », « Junior Dad ») ou Lars Ulrich qui tape comme un sourd dans sa batterie (« Mistress Dread »).

Ni thrash, ni hard, ni heavy, Lulu est une sorte de metal avant-gardiste pas forcément abordable. Une production volontairement douteuse rend cependant la sincérité encore plus charmante. Ce projet a fait un flop total mais on sait éperdument que le fric n’avait rien à voir dans tout ça, et que Metallica continuera à prendre des risques si le coeur lui en dit. Un respect de ma part bien que je ne sois pas contre un futur album de pur metal. Libre à eux de décider, pas à nous.

Laurent.

Korn – Untitled

Genre: métal expérimental      ®2007

Cette fois-ci, c’est la bonne. Korn, l’un des groupes les plus importants des quinze dernières années, franchit le pas de l’expérimentation, celle qui claque définitivement la porte à ce qu’on appelle encore aujourd’hui le nü-métal. Le lead guitariste Head avait quitté ses compagnons deux ans auparavant, c’est au tour du marteleur David Silveria de faire ses adieux avant l’enregistrement d’Untitled, parti pour des raisons nostalgiques du Korn première époque. Désormais trio si on ne compte pas les musiciens intérimaires pour les sessions d’enregistrement et les live, le groupe en profite pour pousser encore plus loin les limites de son potentiel créatif. Que l’on se rassure, Korn fait toujours une musique sombre, parfois dérangeante, par contre en ce qui concerne les gros riffs et le son de basse qui fait vibrer la barraque, c’est une tout autre histoire. Produit par la même clique que celle de SYOTOS à savoir Atticus Ross, The Matrix et le frontman Jonathan Davis, Untitled sonne encore différemment de ce qui a été fait jusqu’ici. La guitare est volontairement en retrait afin de privilégier l’ambiance que l’on doit à Davis et aux claviers.

Et l’on sait ce que ça donne quand un groupe de métal s’éloigne de son genre initial… ça choque. Oui malheureusement, à moins de pondre quelque chose d’absolument fantastique comme l’a fait Radiohead -pas du métal mais pas de meilleur exemple non plus- avec Kid A en 2000, il est difficile d’appréhender une musique qui semble chiante à mourir aux premiers abords. Parce qu’en fait, on parle de Korn quand même! Car si on s’était légèrement ennuyé sur les quelques titres soft de SYOTOS, là c’est carrément sur les 3/4 de l’opus! Incompréhension? Absolument pas, le groupe tente de nouvelles choses et on apprécie le geste, mais tout de même, pas mal de titres manquent cruellement de saveur pour que l’on puisse se mettre dedans (« Starting Over », « Kiss », « Hushabye », « Do What They Say »= soporifisme à l’appel).

Oui, au fur et à mesure des écoutes, beaucoup de morceaux sont difficiles à avaler mais en revanche, quatre arrivent à se faire aimer progressivement: « Hold On », le plus dans l’esprit métal, « Evolution » et son refrain entêtant, la lourde « Innocent Bystander » et « I Will Protect You » qui crache les tous derniers relents du Korn qu’on aime avec un refrain mémorable et un break d’une lourdeur déconcertante. Heureusement parce que l’histoire aurait pu se finir en partie de frisbee ne serait-ce que pour cette pochette horrible et indéchiffrable. Bref, n’espérons pas revoir un jour un Issues II, car les Californiens ont changé, en bien ou en mal, chacun se fait son idée, en attendant, ce sont les quatre premiers bébé qui tournent de temps en temps et qui offrent un réel plaisir d’écoute. L’aventure n’est pas finie mais éspérons qu’elle se finisse un jour en beauté.

Laurent.

Dakrya – Crime Scene

Genre: Avant-garde théâtral      ® 2010

L’expression « va te faire voir chez les Grecs » n’est pas toujours à prendre à la légère, elle peut même devenir bénéfique pour l’outragé, quand on voit ce que cache ce pays en pleine crise mais culturellement riche.

Car en se promenant un peu dans les bacs, il est fort probable de trouver aux côtés d’un Nikos Aliagas (star nationale des Hellenes) un album de Dakrya, orchestre de métal avant-gardiste qui ne semblait avoir de succès que dans son pays d’origine jusqu’à la sortie de Crime Scene, promu par le label anglais Sensory Records.

Sept membres, dont trois femmes et quatre hommes, composent ce groupe à la croisée des romans d’Agatha Christie, de l’univers d’Harry Potter, et d’un métal lyrique issu du théâtre, c’est du moins ce qu’on peut entendre sur Crime Scene. Et c’est donc face à un groupe un peu particulier qu’on à affaire, tellement particulier qu’il est difficile de s’y atteler après une écoute, c’est en forçant une deuxième que l’on discerne un peu les indices de la scène de crime, ce qui est tout à fait normal pour tout groupe d’avant-garde qui se respecte.

L’enquête commence avec « The Charlatans », qui de son métal clownesque, nous ferait presque rire aux éclats, car non loin du ridicule, mais un ridicule agréable et voulu par le groupe: pas de couplet ni de refrain, les riffs sont saccadés, la basse est groovy, les chanteuses Christina et Tomais sont plutôt élégantes et bien à leur place, chacune répondant à l’autre, et un passage au clavier reprenant un célèbre morceau bien connu des chapiteaux viendra scinder le morceau, rien de plus.

Après avoir ri ou mal pris la chose selon notre humeur, il est temps de découvrir une forme plus « sérieuse » des grecs: « Blind Man’s Bluff » est plus structurée, et laisse davantage les guitares s’exprimer au niveau des mélodies, un peu plus dans un esprit Agatha Christie période halloween cité plus haut, les fausses pistes commencent ici.

Si certains morceaux sont directement accrocheurs de par leur côté décalé mais tout à fait bien construits (« Scaremongering » et sa mélodie de guitare agaçante qui s’accapare notre esprit; « Phantasmagoria » nous amène tout droit dans les couloirs de Poudlard -pour les connaisseurs- avec son clavier qui est définitivement l’élément marquant du groupe; « Camouflage »), d’autres laissent l’auditeur sur sa faim, car au-delà de toute cette fantaisie, il est quand même bon d’avoir affaire à du vrai métal. Hélas, « The Urban Tribe » n’est pas intéressante pour un sou avec ses guitares en retrait, et on se demande ce que le septuor a voulu nous montrer sur « Inertia », à part un titre qui tourne en rond, merci l’inertie.

Le titre « Dramatis Personae » est légèrement plus sombre que le reste de l’album et devient pour le coup le plus intéressant des neuf. Non pas qu’il soit un résumé du reste mais il y a ce petit côté prog qui va finalement montrer que le groupe a un certain talent.

Crime Scene n’est pas un vraiment un album à savourer pour sa technicité presque inexistante (mis à part la performance plutôt convaincante de la chanteuse et le clavier qui joue un rôle important dans l’ambiance générale, pas de solis ni de rythmique martelante, pas d’envolées instrumentales mémorables) mais pourrait bien accompagner quelques soirées déguisées de clowns dans le manoir du comte Dracula. Si vous avez envie d’écouter quelque chose qui sort du lot, tentez le coup, l’expérience sera suffisamment drôle pour ceux qui voudront bien accepter la recette. Experimental, oui, technique, non, le terme approprié serait plutôt « atypique ». Il ne lui reste plus qu’aux Athéniens de se montrer moins gentillets la prochaine fois, et le jeu en vaudra vraiment la chandelle.

Laurent.