No One Is Innocent – No One Is Innocent

Genre: fusion                        ®1994

Essayez de discuter «rock français» avec vos parents, vous en apprendrez plus que vous ne vous y attendiez. Pour eux, Indochine, Téléphone et Johnny sont des valeurs ultimes, ainsi que Dick Rivers, Niagara, Axel Bauer ou Calogero, pour un peu qu’ils se soient intéressés à Trust et Noir Désir. Mais jamais les noms de Silmarils ou de No One Is Innocent ne sont évoqués, car il s’agit des premiers pas de notre pays dans le monde de la fusion, cette musique qui a atterri sur les ondes plus vite qu’une braguette qui se ferme et qui sera systématiquement qualifiée de musique de «sauvage» (on l’aura entendu celle-là, n’est-ce pas) par les fans de Mylène Farmer et compagnie et par nos propres aïeux aussi.

En 1992, RATM révolutionne le rock avec son premier album, événement qui ne passera pas inaperçu en France puisque deux ans plus tard, un groupe parisien mené par un frontman arménien débarque dans les bacs avec un album éponyme rapidement considéré comme étant la réponse française à la bande de Morello. En effet l’influence est flagrante, seulement le groupe ne s’est pas limité à reprendre les mêmes jeux de basse et de batterie, les paroles enflammées de Kemar rappellent celles de La Rocha comme celles de Bertrand Cantat aussi bien dans le fond que dans la forme. Rappelons que le nom du groupe est tiré d’un morceau des Sex Pistols, comme quoi la volonté de choquer est primordiale pour ces parisiens.

Sorti chez le label Island Records aujourd’hui détenu par Universal, ce premier album éponyme ne passe pas inaperçu à sa sortie grâce au single «La Peau» et son intro métallique, diffusé en boucle sur M6 durant des mois et qui est son plus gros tube à ce jour. Bien que l’anglais du leader soit très moyen, les morceaux sont plutôt saisissants grâce à une rage jamais exploitée par une formation française, même sur l’excellent Tostaky de Noir Désir qui se révèle être la seconde influence majeure de No One Is Innocent. Kemar évoque souvent les tragédies qui ont détruit les valeurs de son pays d’origine («Génocide», «Another Land», l’étrange morceau «Ne Reste-t-il Que La Guerre Pour Tuer Le Silence») d’où la prédominance anglophone sur cet opus, qui laisse place tout de même à la langue de Molière sur les morceaux évocateurs que sont «Epargne-Moi» et «Le Feu» qui ne laissent aucun répit aux politiciens.

Premier d’une longue série de groupes cherchant (en vain…) à s’exprimer de la sorte, NOII s’impose comme le porte-drapeau d’une jeunesse qui a pas dit son dernier mot. Encore plus revendicative que le rap du Suprême et de Iam, cette fusion nerveuse prouve que ces gaillards en ont dans le froc, et c’est clairement ce qu’on aime dans le rock. Une référence que nous serons contents, nous futurs parents, de faire connaître à nos progénitures. Intemporel.

Laurent.

F.F.F – F.F.F

Genre: funk/rock        ®1996

La Fédération Française de Funk, plus communément appelée F.F.F, a connu ses heures de gloire au milieu des années 90’s en pleine explosion du courant fusion. C’est avec leur second opus, Free For Fever (1993), que le groupe se démarque légèrement des influences Fishbone en intégrant des guitares bien lourdes (comme sur la populaire « Silver Groover »). Trois ans plus tard, Marco Prince décide de privilégier la langue de Molière à celle de Shakespeare sur le troisième méfait, sobrement intitulé F.F.F.

F.F.F est la preuve vivante que les « mecs de banlieue parisienne » ne sont pas justes bons à cracher sur la police. Entre jeux de mots malins et humour salace, les paroles de Marco sont le véritable point fort de ce disque, comme le montrent  des  « Muscle Magique » ou « Le Pire et Le Meilleur » à faire mourir de rire Lino Ventura dans sa tombe. Non, sans entrer dans le burlesque, F.F.F est un excellent compromis entre la funk des Red Hot -pardonnez la pauvreté de mes connaissances en matière de funk- et un rock/métal alternatif totalement « in ». Seulement trois titres interprétés en anglais parmi douze pépites où les cinq lurons se sont éclatés à refaire le monde, les amenant sur le devant de la scène fusion française en cette année 1996 avant que n’arrive la vague néo inaugurée en France par Watcha.

Bien plus que le groupe d’un des anciens jury de la Nouvelle Star, F.F.F fait partie de ces groupes dont on ne reverra plus la couleur aujourd’hui à cause de cet amalgame de moisissures auditives qui parcourent les médias, mais qui nous suivent malgré tout dans notre coeur tant leur sincérité a marqué une époque de notre vie. Et pour tous ceux qui trouveront quelque chose à en redire… Funk you all!

Laurent.

Rage Against The Machine – Rage Against The Machine

Genre: rap métal                     ®1992

Comme on dit, il y a un début à tout. Non pas que les RATM soient à l’origine du heavy métal ou du hip-hop, mais plutôt de la fusion officielle des deux. Officielle, oui, car quelques artistes comme Faith No More (« Epic »), Aerosmith (« Walk This Way » ft. Run DMC), Anthrax (l’ironique « I’m The Man » et « Bring The Noise » avec Public Enemy) et quelques autres s’étaient essayés à l’exercice quelques années plus tôt mais aucun n’en a fait son style de prédilection. Ainsi Tom Morello (guitare), Tim Commerford (basse),  Brad Wilk (batterie) et l’intrépide Zach De La Rocha (chant) vont, à eux quatre et sans artifices particuliers, révolutionner le Métal.

Politiquement engagés, proches de la gauche radicale, les Rage marqueront à jamais les esprits autant par ce son nouveau, groovy et aux sonorités de guitares inédites, que par les textes rageurs et extrêmement provocateurs de La Rocha, pointant du doigt un système alors rongé par le racisme et le capitalisme.

Pochette troublante, illustrant un fait réel datant de 1963: un moine vietnamien s’immolant par le feu pour dénoncer l’abus de pouvoir du gouvernement envers les bouddhistes. Le band de Los Angeles ne fait rien dans la demi-mesure, allant jusque hurler un « F**k you, I won’t do what you tell me! » sur la légendaire « Killing In The Name ». Les lascars ont pondu et produit eux-même dix morceaux issus de leurs tripes avant même d’avoir eut l’idée de révolutionner quoique ce soit. Le dérangé Maynard James Keenan, à l’époque où Tool n’était qu’un groupe de clowns comme un autre, s’invite même sur « Know Your Enemy ». On retrouvera « Wake Up » quelques années plus tard dans la B.O d’un film également révolutionnaire, Matrix, qui ne manque pas de nous rappeler (la B.O) ô combien le premier album de RATM est intemporel.

Mixé par le génie Andy Wallace (responsable d’à peu près tous les mix d’albums métal du continent nord-américain), Rage Against The Machine ne peut être critiqué pour son contenu, il ne s’agit que d’une histoire de goût: les puristes pensent que la fusion fait honte au métal, tandis que les autres y voient une avancée d’un genre gavé par le glam et le thrash. Un point d’encrage pour une génération qui s’apprête à exploser, celle de Korn, Deftones, Limp Bizkit et de leurs nombreux ersatz. Fini de jouer, il est temps de lever l’étendard et de crier au scandale, si les RATM l’ont fait avec peu de moyens, pourquoi pas vous?

Laurent.