Evas Kiss Anger – Collapse (ep)

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genre: hardcore/metal           ©2014

Partir de rien et se casser la gueule pour mieux se relever. Voilà comment naissent les grands groupes, ceux qui ne lâchent rien pour enregistrer des ep trois titres toujours meilleurs que les précédents. Dans notre belle France, Evas Kiss Anger, originaire de Rodez (12), représente dignement ce cas de figure: un premier ep en 2013 descendu en flèche par la critique sous prétexte d’un manque d’identité et d’une production totalement DIY, toutefois, la conviction de ces grands gaillards laissait prétendre à un avenir plus prometteur.

On a bien eu raison d’y croire, parce que cette remise en question en interne -définition d’une patte, passage de Jérem à la gratte, arrivée de Seb à la basse, coaching de Flo pour les vocaux- a donné naissance à trois titres dévastateurs, complètement inattendus, tous nourris par les racines hardcore du groupe. Exit la prod’ à l’arrache, les arrangements sont bien dosés sans faire dans la surenchère, et la puissance répond à l’appel grâce à de nouveaux éléments comme la basse bien ronde de Seb qui forme une assise rythmique efficace avec le jeu de batterie très riche d’Hervé, mais également au sens du riff de la paire Jérem/Nico ainsi qu’à l’étonnante évolution du chant de Flo, une cohésion qui rappelle les meilleures heures de Poison The Well, de Cave In ou des suisses de Kruger avec des mélodies magnifiques (le final de « Deeper », les envolées sur « War and Collapse ») mais surtout des dissonances alliées à des breakdowns ravageurs (sur les trois titres mais « My Body Is Tired » est la plus nerveuse) incitant l’auditeur à tout casser autour de lui, peu importe la valeur des objets dans ces moments de folie.

Plus que des progrès, Evas Kiss Anger a pris tout le monde de court en donnant une leçon à tous les groupes de hipsters qui font du hardcore parce que c’est la mode. Enregistré au Useless Pride avec Jérémie Mazan, Collapse signe un nouveau départ pour ce groupe qui a trouvé sa voie et que plus rien ne pourra arrêter. Il faudra attendre encore un peu si vous n’aimez que les productions aux petits oignons de chez Deathwish Inc. (mais où est donc passé l’esprit punk?…), pour les autres moins exigeants, fascinés par la colère et l’apocalypse, ce petit ep vous régalera par sa diversité. Nul doute que la prochaine offrande sera encore meilleure que celle-ci. On a déjà hâte d’y être!

Laurent.

Line-up: Jérem (gratte et composition), Flo (chant), Seb (basse), Nico (guitare) et Hervé (batterie)

https://evaskissanger.bandcamp.com/

Downset – Check Your People

l6skb5atgenre: hardcore fusion              ©2000

Anciennement Social Justice, Downset est l’un des tous premiers groupes à avoir mélangé hardcore et hip-hop, précédant de peu Biohazard ou Dog Eat Dog. Peu connu du grand public pour sa faible parution dans les médias, le quintet n’en demeure pas moins marquant pour la qualité de ses albums qui mélangent groove et gros hardcore urbain, le plus populaire étant le premier Downset (1994) avec le fameux « Anger ». Mais en terme de qualité, Check Your People détrône largement le reste de sa discographie, surpassant même à mon humble avis le légendaire Urban Discipline (1992) de Biohazard grâce à la puissance et à la diversité dont il fait preuve.

L’entrée chez Epitaph (le label de Brett Gurewitz, frontman de Bad Religion) offre moins d’impératifs à la clique de Rey Oropeza (chant) qui prend le temps de composer un vrai album studio, avec des morceaux aux structures plus complexes et moins machinalement destinés à la scène. En résulte Check Your People, une vraie tuerie où aucun titre n’est à mettre de côté. La photo en guise de pochette a été prise spontanément, illustrant certes avec violence mais parfaitement le coup de gueule d’Oropeza sur l’insouciance des gouvernements vis-à-vis de leurs peuples dans les pays pauvres (« check your people » signifie « intéressez-vous à votre peuple »). Beaucoup mieux produit que ces prédécesseurs, ce troisième rejeton ne laisse aucun instrument en arrière-plan, portant à son apogée le talent des californiens avec une entrée en matière violente (« Fallen Off » suivi du pesant « Coming Back »). Rogelio Lozano (guitare) n’a jamais été aussi inspiré pour les riffs, en témoigne « Together », et d’une manière générale, la plupart des titres possèdent un refrain fédérateur (mention spéciale à « Coming Back », « No Home (Steady!) » et « Chemical Strangle ») sans jamais laisser place à la facilité.

L’inspiration est plus réfléchie, n’en déplaise aux aficionados du hardcore « old-school » et taillé pour la scène, appuyée le travail de Randy Staub qui présente un Downset moins brouillon et plus ouvert aux sonorités metal. L’énergie propre au groupe n’a rien perdu de sa saveur, le son est moins épais, plus froid, en totale symbiose avec le contexte des paroles. Downset et Do We Speak A Dead Language? sont de bons albums de hxc, mais Check Your People sort des sentiers battus , se frayant un chemin à travers la vague nü-metal prédominante. Toujours d’actualité, un album dont l’aura mystérieuse surpasse le succès éphémère de bien d’autres. Une pépite.

Laurent.

 

 

Funeral Diner – The Underdark

Genre: screamo/post-rock         ©2005

Non, il ne s’agit pas d’un groupe de doom funéraire. Poids lourd de la scène screamo underground des années 90, Funeral Diner est un des rares à avoir tenu jusqu’en 2007 et ce grâce à quoi? Un mélange d’emocore et de post-rock initié en l’occurrence par Portraits Of Past, souvent triste et dérangé mais jamais fatiguant ou lassant. Avant d’exploser, le groupe nous a laissé un disque magique que je me plais à écouter en boucle, The Underdark, où l’excellente performance des musiciens se résume autant à travers les prouesses techniques, en particulier du batteur Matthew Bajda, que dans les émotions crées par ce mélange savant de hardcore et de post-rock ambient ainsi que par le charismatique Seth Babb ne délaissant aucune trace de chant clair parmi ces huit titres.

Aujourd’hui, j’ai décidé de chômer sur la critique. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois avec ce genre d’albums sur lesquels on ne peut juger la performance puisqu’ils sont essentiellement concentrés sur les émotions. Donc en résumé, il ne reste plus qu’à vous révéler mon ressenti mais j’imagine que le premier paragraphe très dithyrambique vous a déjà mis sur la piste. La seule précision qu’on puisse donner, c’est qu’il n’y a guère de joie chez Funeral Diner. Les amateurs de sensations de déchirement, de haine et tout ce qui touche de près au Côté Obscur de la Force en auront pour leur comble, en revanche l’expérience devrait être plus surprenante pour les habitués de Funeral For A Friend, Alexisonfire, The Used et toute la vague screamo mainstream.

Pour résumer, The Underdark ressemble bel et bien à un chef-d’oeuvre. Faîtes un effort pour y tendre une oreille, même si cet article vous apporte peu de précision sur le contenu. C’est parfois bon d’éprouver des sentiments sans se sentir obligé de les justifier… tout le monde a vécu ça au moins une fois dans sa vie, j’imagine!

Laurent.