Mobb Deep – The Infamous

Genre: rap East Coast              ®1995

On cherche du « lourd »? Du hip-hop sans artifices, pur et honnête? En dehors des piliers N.W.A, De La Soul ou Public Enemy, il y a cet extraordinaire et mythique album de Mobb Deep, The Infamous enregistré dans le Queens à New-York. Rarement un disque de rap n’avait été aussi sombre et aujourd’hui encore, tomber sur une musique aussi poignante est un exercice difficile. Le duo composé de Prodigy et Havoc s’inspire de la vie des ghettos de NY dans ses lyrics et du premier album du Wu-Tang Clan Enter The Wu-Tang (36 Chambers) pour ce qui est de la musique, apportant ainsi une contribution importante au mouvement East Coast.

L’ambiance ténébreuse est l’élément le plus marquant avec le flow gangsta et imparable de nos deux acolytes. Les claviers, bien que discrets, y sont pour beaucoup ainsi que cette batterie crade et imposante. Mes papilles s’excitent lorsque passent « Q.U.- Hectic » et surtout les deux plus gros succès du groupe, les intemporels « Survival Of The Fittest » et « Shook Ones Part II » dont je ne suis pas prêt de me lasser. Comment peut-on rivaliser avec ça? Quelques featuring de MCs du coin agrémentent cette violence sans précédent:   Ghostface Killah et Raekwon du Wu-Tang Clan sur « Right Back At You », Nas sur « Eye For An Eye » et Big Noyd sur « Give Up The Goods ». Q-Tip s’est occupé des arrangements et de la production aux côtés de Havoc et prend même le micro sur « Dring Away The Pain« .

Pas grand chose de dire de plus sur un disque fabuleux que tout amateur de hip-hop se doit d’avoir écouté au moins dix fois dans sa vie. Regardez les clips, tremblez à la vue de la réalité, les choses ont peut-être évolué depuis 1995 mais The Infamous est comme un bon cours d’histoire: la force du propos nous replonge instinctivement dans le contexte. Un des plus grands albums de l’histoire du rap américain et même international. A connaître.

Laurent.

 

Iam – L’Ecole du Micro D’Argent

Genre: rap français              ®1997

Attention, les Samouraïs de Marseille envahissent nos contrées armés de leurs sabres dans l’unique but de couper court aux préjugés envers le rap. Non en vérité, cette tâche m’a été attribuée puisqu’en tant que métalleux ayant toujours refusé de vivre dans l’intégrité, le sujet ne m’est pas inconnu. Et en ce qui me concerne, il n’y a pas meilleur exemple que le troisème album d’Iam, L’Ecole du Micro D’Argent pour démontrer ô combien les débuts du rap français étaient d’une qualité cent fois supérieure à celle de la plupart des productions récentes. Succédant au culte Ombre Est Lumière (1993) dans lequel on retrouve les ultra-tubes « Le Feu », devenu hymne pour stades et « Je Danse Le Mia », qui a popularisé avec la Fonky Family le rap funky typique des rappeurs marseillais, une alternative au son plus brut des Parisiens.

Fin 1996, Akhenaton, Shurik’N, Kheops, Freeman, Kephren et Imhotep s’envolent pour New-York afin d’enregistrer l’album de la consécration aux Studios Greene Street. Dénué des influences funk qui ont fait le succès du groupe, L’Ecole Du Micro D’Argent marque un tournant frappant et révèle un groupe au talent insoupçonné, confirmant pour le coup son statut de référence du rap français. Plus marqué par les claviers que par des scratchs intempestifs et des rythmes dansants, ce troisième opus s’attaque à des sujets sérieux comme la prostitution (« Chez le mac », « Elle donne son corps avant son nom ») ou plus généralement les mauvais côté de l’Homme (« Regarde »,  « L’Enfer » sur lequel ont été invité Fabe et le défunt East, « Un Cri Court Dans La Nuit » abordant les histoires de meurtres nocturnes avec leur ami Nuttea). Malgré le penchant plus sombre de ce disque, le groupe n’a pas délaissé l’humour qui le caractérise: « Quand tu allais, on revenait » dénonce le piètre talent de certains MC’s et « L’Empire Du Côté Obscur » balance des vérités en faisant référence à l’univers de Star Wars. Côté émotion, trois titres remplissent parfaitement leur mission: « Petit Frère » où ShuriK’N et Akhenaton résume les déboires de la jeunesse urbaine, « La Saga » qui retrace aux côtés de trois gus du Wu-Tang Clan (Dreddy Krueger, Timbo King et Prodigal Sunn) leurs premiers pas dans le rap et ce qui est pour moi et beaucoup d’autres la meilleure chanson de cet album, « Demain C’est Loin », qui du haut de ses neuf minutes dresse un portrait terrifiant de la « vie de banlieue ».

Album aux paroles aussi percutantes que les instrus qui les accompagnent, L’Ecole Du Micro D’Argent impose sa marque dans le milieu du hip-hop et devient disque d’or seulement deux jours après sa parution. Deux récompenses lui sont attribuées aux Victoires de la Musique, ce qui renforce le respect de millions de fans venant d’horizons musicaux diverses. Une oeuvre charnière, maintes fois imitée mais jamais égalée.

Laurent.

Cypress Hill – Black Sunday

Genre: Hip-hop alternatif         ®1993

Le reggae et le ska ne sont pas les seuls courants à vanter les mérites de la marijuana. Dès l’apparition de la culture hip-hop dans les ghettos américains, on parle de cette plante et de sa vertu soit-disant médicinale. Les premiers à avoir consacré un album à Mrs. Mary Jane sont les californiens de Cypress Hill avec un premier album éponyme en 1991 qui, bon soit-il, n’expose pas encore à fond le potentiel du trio. C’est à partir de 1993 que B-Real, Dj Muggs et Sen Dog vont exploser dans les charts avec le monumental Black Sunday, le plus sombre et le plus fourni de la discographie des porto-ricains les plus célèbres de la planète.

Possédant l’une des pochettes les plus marquantes de toute l’histoire du hip-hop, Black Sunday est le fruit d’un travail minutieux de la part de DJ Muggs à qui l’on doit ces samples mémorables et ces beats lourds. L’album démarre fort avec «I Want to Get High» où la voix nasillarde de B-Real plane et incite, sans détours, à la consommation de substances illicites, sujet qui agace nos artilleurs réclamant le droit d’envahir les rues d’épais nuages comme bon leur semble. S’ensuit «I Ain’t Goin’ Out Like That», entraînante de son sample issu du premier album de Black Sabbath, et l’hymne absolue du groupe «Insane in the Brain», inspiré du «Jump Around» de House of Pain produit par DJ Muggs quelques mois plus tôt.

Plutôt homogène, sans réelles nuances, les tubes n’ont pourtant pas de mal à être identifiés: «Cock the Hammer» sonne très hardcore à la Run DMC, tandis que «Hits from the Bong», au sample emprunté au «Son of a preacher man» de Dusty Springfield, apporte un côté fun non-négligeable.

Alternativement, Black Sunday possède quelques titres en-dessous de la qualité générale, ainsi «A to the K», considéré comme un tube pour beaucoup, n’est objectivement pas fameux, un peu trop «olé olé» et pas du tout assumé. D’ailleurs, le groupe avoue quelques temps après la sortie de l’opus qu’il a subi des pressions de la part de Columbia, grosse maison de disques qui les incitèrent donc à remplir le plus vite possible l’album qui a tout de même fini par instaurer un immense respect au groupe de la part de tous les horizons musicaux. Rares sont les albums qui possèdent autant de charmes, et c’est bien pour ça que l’on préfère Black Sunday à n’importe quel autre disque de ces vétérans de la légalisation.

Laurent.