Archive – Take My Head

Genre: trip-hop                        ®1999

Pionniers du trip-hop aux côtés de Massive Attack, Portishead, Morcheeba et Faithless, les Londoniens d’Archive sont reconnus dès leur premier album, Londinium (1996), très sombre et démarqué des autres albums du genre par la présence du rappeur Rosko John. Trois ans après, le groupe engage la chanteuse Suzanne Wooder et sort l’album de la consécration, l’époustouflant Take My Head  (1999), considéré comme leur chef-d’oeuvre. Un sujet à débat puisque Londinium a également son lot d’admirateurs. Avec la nouvelle chanteuse, le ton est beaucoup plus mélodique et plus pop. Les sonorités électroniques apportent également une certaine fraîcheur à la musique du combo sans pour autant négliger les racines trip-hop. Il faut dire que même si Mezzanine (1998) de MA a repoussé les limites de la musique expérimentale et du trip-hop en outre, Take My Head a également apporté une contribution importante par sa diversité.

Production parfaite signée Ian Stanley (ex-Tears For Fears) et Archive, enchaînements de titres plus poignants les uns que les autres, Take My Head est une sacrée réussite. Les émotions diffusées ne sont peut-être pas aussi intenses que ne le sont celles des légendaires « Glory Box » ou « Teardrop », même si « You Make Me Feel » n’a pas à rougir face à ces poids lourds du trip-hop. Tout le monde ne peut pas être Beth Gibbons (Portishead) ou Elisabeth Fraser (ex-Cocteau Twins et chanteuse sur « Teardrop ») mais le choix de Suzanne Wooder est tout à fait honorable. Parfois bien rythmés (« The Way You Love Me », « Well Known Sinner »), ou parfois armés de basses énormes (« You Make Me Feel », « Take My Head »), tous les morceaux possèdent le petit détail qui tue.

Nous sommes en 1999 et tous les artistes majeurs du trip-hop ont sorti leur chef-d’oeuvre. Il ne restera au début des années 2000 que les somptueuses voix des chanteuses de Hooverphonic et de Goldfrapp en guise d’adieu à la courte vie du trip-hop -moins de dix ans- avant que la musique électronique, essentiellement dansante, ne prenne la relève. Pour en revenir à Archive, l’orientation prise sur You All Look The Same To Me (2002), si elle s’éloigne de plus en plus du trip-hop, n’a pas cédé à la facilité de la house techno. En se tournant vers la légende Pink Floyd tout en continuant les expérimentations à la limite du post-rock de Mogwai, Archive a mieux su évoluer dans l’air du temps que ses camarades. Si vous n’appréciez pas le penchant hip-hop du pourtant exemplaire Londinium, alors Take My Head est l’album que vous cherchez.

Laurent.

Massive Attack – Mezzanine

Genre: electro/trip-hop           ®1998

Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, Massive Attack est à l’origine du courant musical « trip-hop », dont le fief se situe à Bristol en Angleterre. Formé en 1988 par 3D, Mushroom et Daddy G, le trio a déjà deux albums derrière lui, le révolutionnaire Blue Lines (1991) et le mélodique et savoureux Protection (1994), mais les tensions internes entre les membres les empêchent d’être aussi prolifiques que prévu. Ainsi paraît en 1998 un des plus gros chef-d’oeuvre du trip-hop, Mezzanine, composé par des musiciens qui communiquent à peine entre eux en raison des divergences d’opinions vécues sur les précédents opus.

L’atmosphère glaciale occupant le studio d’enregistrement s’est reflétée dans la nouvelle orientation musicale du combo: délaissant la soul pour une musique sombre et plus orientée vers l’électronique, Mezzanine est un disque envoûtant, à la fois relaxant et dérangeant, en témoigne l’étouffante « Angel » qui ouvre l’album. Basse de dix tonnes prédominante sur laquelle se croisent les voix féminines d’Elizabeth Fraser (« Group Four » et le légendaire générique de Dr. House, « Teardrop ») et la voix posée de 3D (« Risingson », « Inertia Creeps »). On a le droit à un clin d’oeil aux Cure sur « Man Next Door » avec son sample emprunté au morceau « 10:15 Saturday Night ».

Aujourd’hui encore, Mezzanine résonne au sommet d’un règne qui s’est peu à peu accommodé à la pop, sans pour autant que cette dernière dénigre quoique ce soit puisque des formations comme Morcheeba, Hooverphonic ou Goldfrapp ont chacune sortis un chef-d’oeuvre (mot qui revient dans une chronique, pas très objectif tout ça…) après la parution de ce troisième bébé de Massive Attack.

Même si Mushroom a failli claquer la porte en plein enregistrement, il en résulte un album unique, mais qui pourrait ennuyer rapidement pour un peu qu’on préfère la période Protection ou les albums suivants; on le conseillera donc aux accrocs de substances pas catholiques, aux yoguistes ou tout simplement aux amateurs de musiques complexes et loin des codes de la radio.

Laurent.

Goldfrapp – Felt Mountain

Genre: trip-hop          ®2000

Felt Mountain est le premier fruit de l’union d’Alyson Goldfrapp et de Will Gregory, la première s’étant fait connaître de ses collaborations avec Tricky (Massive Attack) en tant chanteuse, tandis que le second est un compositeur ayant travaillé avec The Cure, Tears For Fears et Portishead. Issues de Bristol, la formation est immédiatement identifiée dans le registre trip-hop, ce qui n’est pas entièrement faux, cependant Felt Mountain est bien plus qu’un résidu de Dummy, la référence ultime de la trip-hop britannique. Bien sûr, la voix sensuelle d’Alyson rappelle bien souvent celle de Beth Gibbons, et les claviers ne sont pas sans rappeler parfois ceux d’un « Glory Box », mais la magie est telle que Felt Mountain se révèle être bel et bien une entité à part, un synonyme de beauté dont seul le berceau de Bristol possède le secret.

Il est fort probable qu’en regardant une publicité ou un film, vous vous soyez frotté au sublime morceau siffloté « Lovely Head » qui ouvre l’album. Aussi mélancolique que serein, ce dernier réunit avec une classe ultime la musique d’Ennio Morricone, celle de François de Roubaix (César de la meilleure musique pour le film Le Vieux Fusil) et répétons-le, reprend les choses où Dummy les a laissé en 1994. Parfois dérangeant (« Human », « Deer Stop ») ou carrément polka (« Oompah Radar »), Felt Mountain atteint le divin avec « Utopia » avec son chant opéra et ses sonorités ultra-accrocheuses.

Malgré un quasi-échec commercial à sa sortie, Felt Mountain est devenu une référence pour les compositeurs de musique électronique ainsi que pour les amateurs de détente. Un vrai conte de fée qui procure à chaque voyage, le même sentiment: l’Amour pour la musique. Un joyau, mesdames et messieurs, un pur joyau.

Laurent.