Sigh – In Somniphobia

Genre; black progressif             ©2012 

Rien n’est perdu pour le Japon. Malgré les récentes péripéties qui ont touché cette île, une partie de sa population arrive toujours à faire de la musique de qualité. Outre l’affaire du J-rock qui continue toujours à départager la communauté metal, on peut toujours compter sur un groupe vieux de vingt ans qui fût l’un des premiers à avoir mélangé black metal et éléments progressifs: Sigh.

En ce qui me concerne, j’ai rarement été déçu par la discographie de cette bande de fous. Alors bien que Gallows Gallery (2005) et Scenes From Hell (2010) n’aient objectivement pas la carrure d’un Scenario IV (1999) ou d’unHangman’s Hymn (2007) pour des questions de manque de nouveauté ou de schizophrénie légèrement effacée, le black metal de Sigh a toujours été authentique. Un son de guitare assez heavy, une production toujours modeste, la puissance n’a de toute manière presque jamais été privilégiée par Mirai (chant, basse) et d’une manière générale, a rarement fait partie de la culture japonaise qui préfère se fixer sur la mélodie. Enfin tout ça pour dire que In Somniphobia, sorti au début de l’année, ne déroge pas à la règle: un artwork aux couleurs macabres et du coté de la musique, les orchestrations sont encore présentes, la maitrise technique de chaque musicien impressionne et la diversité fait qu’il est difficile de s’en lasser.

C’est clair et net, la musique de Sigh est plus accessible qu’elle ne l’a jamais été sur In Somniphobia. Néanmoins, non seulement il y a de la nouveauté par rapport à Scenes From Hell mais plus de ça, malgré la tournure symphonique qu’entreprend le combo, il est toujours question de black metal. Une ambiance dérangeante aux allures de musique pour Halloween -la tendance du moment des groupes avant-gardistes comme Unexpect ou Diablo Swing Orchestra- a remplacé l’ambiance strictement violente du passé. “Purgatorium”, qui ouvre l’oeuvre, étonne par sa fougue épique et histoire de raconter un peu de foutaises, s’achève par un solo digne de Michael Amott (Arch Enemy, Spiritual Beggars). De quoi surprendre et c’est tout ce qu’on attend d’un groupe de cette trempe, la surprise. Un peu de jazz sur des “Amnesia” ou “Somniphobia” lentes, pouvant susciter l’ennui si on a pas l’habitude du progressif qui dure plus de six minutes. Si je n’avais qu’un titre à vous conseiller, ce serait sans aucun doute “Amongst The Phantoms Of Abandoned Tumbrils”, non pas parce qu’il peut rappeler les premiers Dimmu Borgir mais tout simplement parce que c’est un très beau morceau, aussi violent que formidablement mis en place. Un accordéon, un harmonica, des choeurs, un peu de folie soit la pièce parfaite.

Sigh fait partie de ces groupes qu’on aime ou qu’on déteste. Pas de juste milieu, que ce soit au niveau de la maigre production (volontaire) ou au niveau de ce style étrange. A mon sens, ni l’une ni l’autre n’empiète sur l’appréciation générale, ce n’est qu’une question d’habitude. En même temps, après plus de vingt ans, on aura eu le temps de s’y habituer. Bref, tout ça pour dire que In Somniphobia est tout sauf un album à dormir debout.

Laurent.

Tristwood – Dystopia Et Disturbia

Genre: black/death brutal       ®2010

Mozart a fait vibrer la Terre entière de ses concerto et ses symphonies d’une beauté sans pareil, aujourd’hui certains artistes ont saisi un sens propre au terme «vibration». Parce que lorsqu’on écoute un orchestre tel Tristwood, il n’est nullement question de s’imaginer planté sur sa chaise à contempler un maestro diriger ses musiciens.
Avec un tel patronyme et du fait que le groupe soit autrichien, on pourrait penser à un banal groupe de dark ambient ou de black dépressif, mais c’est dans le brutal black industriel aux relents death qu’il a choisi de baigner. Crée à l’initiative du brailleur Maggo Wenzel, l’entité Tristwood a déjà sorti deux maxis et deux albums qui ont su mettre les barres sur les « T » pour le public avide de sensations extrêmes.

Encore une fois, Dystopia & Disturbia est une auto-production avec un son toujours plus énorme que la précédente, et pour le coup, la formation a décidé d’envoyer le pâté en trente minutes seulement, et en vue de ce qu’elle nous offre, c’est plus que raisonnable. A la croisée des tarés australiens de Berzerker et de Samael, cette offrande de Tristwood a pour unique but de rendre dingue. Ca martèle comme pas possible, des murs de riffs à foison, et des sonorités industrielles renforçant le grain de folie.

C’est beau, n’est-ce pas, un groupe qui fait trembler votre habitacle même avec le volume à 2. Seulement que se passe-t-il quand l’inspiration est quasi-inexistante, et bien on apprécie deux ou trois morceaux tout au plus avant qu’une certaine lassitude ne fasse son apparition. Alors oui, D & D est un peu plus peaufiné que The Delphic Doctrine (2006), notamment sur l’approche mélodique de certains riffs, mais les guitares sont un peu trop sous-mixées, balayées même parfois par les blast-beats qui ont le maître-mot chez Tristwood. Paraît-il aussi qu’il y a une basse… Ce n’était pas nécessaire de signaler sa présence dans le livret (plutôt intéressant, on y apprend qu’en plus de se consacrer à la mythologie égyptienne, Wenzel est passionné par la science-fiction, d’où ce thème de la dystopie) puisqu’elle est clairement absente.
Il y a tout de même du très bon dans cet album comme par exemple « Irreversible » et « The New Acid Bath » qui possèdent quelques parties mémorables, mais la majorité de l’oeuvre s’appuie hélas sur l’inaudibilité et la linéarité.

C’est un peu dommage d’être obligé de tendre autant l’oreille pour cerner les subtilités, donc au final nous nous contenterons de headbanguer sans trop réfléchir. En trente minutes, Tristwood a fait son petit effet, tant pis pour le message qu’il aura voulu faire passer et pour l’approche avant-gardiste pas suffisamment etoffée,les nerfs sont à vif et nous pouvons passer tranquillement à autre chose. On encourage tout de même une telle foi, dans l’espoir que pour le prochain round, la touche personnelle sera encore plus en avant et que les riffs de guitare nous couperons le sifflet.

Laurent.

Dimmu Borgir – Stormblast

Genre: black symphonique ®1996

Par moment, il faut savoir donner un bon coup de poing sur la table: Dimmu Borgir ne s’est pas reposé tout le long de sa carrière sur les clichés du black sympho (et du black tout court), à savoir des nappes de synthétiseurs à gogo, un chant clair pas à chier mais plutôt inutile, et un goût pour la mise en scène ridicule. Ils ont prouvé avec Spiritual Black Dimensions (1999) et surtout Puritanical Euphoric Misanthropia (2001) qu’ils étaient bien plus que des suiveurs d’Emperor, repoussant les limites du black métal avec une classe qui semble avoir disparue aujourd’hui. Et quelques années encore en arrière, il y eût Stormblast, deuxième méfait des Norvégiens succédant à For All Tid (1994) et premier chef-d’oeuvre de leur discographie. En cette époque, on ne parle que légèrement de métal symphonique puisque Dimmu compose avec un piano traditionnel pour créer des ambiances et non pour donner ce côté épique et puissant des futurs albums. La production est légère, un peu rustique avec le recul mais c’est finalement là qu’est le principal charme de Stormblast.

Assurément, si jamais vous décidez de vous plonger dans l’univers de Dimmu Borgir ou plus globalement du black métal, commencez avec Stormblast. Pourquoi donc? SB contient parmi les plus belles compositions du genre, aussi simples et peu violentes (par rapport à d’autres formations) puissent-elles paraître. A partir des premières notes de piano de ‘Alt Lys Er Svunnet Hen », plus rien ne peut empêcher l’écoute de se prolonger. C’est simple, il n’y a rien à jeter sur cet album, l’ambiance est froide à souhait et des morceaux comme « Sorgens Kammer » montrent ô combien Shagrath et ses compères savaient y faire. Vortex n’étant pas encore de la partie, le chant clair est alors inexistant mais les mélodies ne manquent pas, un peu à la manière d’Enslaved dont Dimmu s’est inspiré.

Renié par le groupe lui-même (et uniquement par lui à ma connaissance), SB sera ré-enregistré en 2005 sous la houlette de l’incorrigible Peter Tägtgren. Evidemment, la prod’ en met plein la vue mais l’aura charismatique propre à l’original n’est plus de mise. Incontournable, Stormblast n’est pas le meilleur des Dimmu en terme de qualité mais il est le plus séduisant, le plus éloigné de tout ce qu’on peut penser de mal sur le groupe. Une vraie tuerie, en somme.

Laurent.